Table ronde sur la génomique
Gens ordinaires au service de la science
(Agence Science-Presse) - Recherche citoyen
pour participation à un panel sur la génomique.
Votre dernier cours de sciences, c’était il
y a 20 ans? Qu’à cela ne tienne ! C'est vous
que les spécialistes veulent entendre.
En février, 13 participants recrutés
par le biais d’une petite annonce dans La Presse,
Voir et le Journal de Montréal, ont
formé un tel le panel citoyen. But de l’exercice:
favoriser les échanges entre le grand public et
les experts. Pour se préparer, les candidats ont
reçu une formation accélérée
durant deux weekends, le dernier étant consacré
à la tenue de l'événement proprement
dite: la première conférence québécoise
sur les avancées de la biologie humaine à
l’ère de la génomique.
Pourquoi associer Monsieur tout le monde
à une telle démarche? L’instigateur
du projet et responsable du programme de bioéthique
à l’Université de Montréal,
Hubert Doucet, veut ainsi permettre au public de questionner
les experts et faire connaître ses préoccupations.
Par la même occasion, un tel rassemblement donne
l’occasion aux experts de faire le point sur l’état
des recherches.
Quelques-unes des questions ont retenu davantage
l’attention du public, surtout celles reliées
à la santé. " Les retombées
réelles, concrètes et visibles de la génomique
tardent à se manifester dans la vie des gens; une
fois arrivée près du but, les citoyens craignent
de voir les bienfaits n’être accessibles qu’aux
plus riches ", peut-on lire dans le rapport.
À leur tour, les spécialistes
ont parlé de santé, pour souligner ce qu'ils
jugent être les retombées positives des percées
scientifiques. À titre d’exemple, le rapport
cite l’ajout d’acide folique dans la farine,
qui a permis de diminuer l’incidence des malformations
génétiques comme le spina-bifida ou les
risques de maladies cardiaques chez les femmes.
Mise en œuvre: pas pour demain
Si la nécessité d’ajouter
d’autres conférences citoyennes à l’agenda
public demeure une priorité pour les organisateurs,
plusieurs conditions manquent à l’appel pour
voir se concrétiser les recommandations qu'y formulent
les participants.
C'est que contrairement à d’autres
pays comme l’Australie, la France, le Danemark ou
l’Angleterre où les consultations citoyennes
ont une représentativité et une légitimité
politique reconnues, le dialogue entre la communauté
scientifique et le grand public demeure au stade embryonnaire
au Québec. " Nous n’avons pas encore
les moyens et ce n’est pas le but recherché ",
précise Hubert Doucet. L’objectif de cette
expérience était de trouver une nouvelle
manière d’aborder et de poser des questions,
d’instituer un dialogue, renchérit-il.
Dialogue somme toute limité aux participants
présents; la Conférence n’ayant pu
attirer foule au Centre des sciences de Montréal,
où avait lieu l’événement. Cette
première initiative n’aura donc pas permis
aux organisateurs d’étendre la portée
du débat au-delà d’un cercle d’initiés.
Pour assurer la pérennité
des consultations citoyennes, Hubert Doucet admet l’importance
de répéter l’expérience, mais
surtout de faire connaître les résultats
des discussions auprès d’organismes tels que
Santé Canada ou le Conseil de la santé et
du bien-être du Québec.
Pour Anne Marcoux, secrétaire générale
du Conseil de la santé et du bien-être du
Québec, les Québécois sont des citoyens
actifs. Les pressions populaires, dit-elle, ont permis
de ramener le financement du système de santé
à l’ordre du jour politique, de faire reculer
le gouvernement dans le dossier de la centrale au gaz
du Suroît, et d'accroître l’aide au logement
social.
En participant aux débats scientifiques,
le public trouve l’occasion d'ajouter la culture
scientifique à son arc.
L’expérience britannique
Suite au rapport soumis par la Royal
Society et la Royal Academy of Engineering analysant
l’impact futur des nanotechnologies pour l’avenir,
le gouvernement britannique a institué le 25 mai
une conférence citoyenne.
Durant cinq semaines, le panel citoyen composé
de 20 participants appelé NanoJury UK se
penchera sur les risques, les avantages et les applications
potentielles en santé et en environnement.
Les nanotechnologies concernent la fabrication,
la conception et l’utilisation des structures organisées
extrêmement petites: à l’échelle
des atomes et des molécules. Par exemple, des innovations
technologiques issues des nanotechnologies sont déjà
présentes dans le développement des puces
électroniques, les téléphones cellulaires
et les DVD.
Contrairement au Québec, les recommandations
de la consultation citoyenne seront ensuite soumises au
gouvernement. Selon le docteur Robert Doubleday, spécialiste
des sciences sociales à l’Université
de Cambridge en Angleterre, le gouvernement a signifié
clairement son engagement à examiner les avis de
la conférence citoyenne pour y donner suite.
Hubert Doucet cite le cas du Danemark, où
le dialogue entre citoyens et experts possède déjà
une légitimité officielle; les consultations
citoyennes sont encadrées par un comité
national d’éthique chargé de conseiller
le gouvernement suite aux résultats obtenus. Les
sujets discutées varient du diagnostic prénatal
aux débats sur les cellules souches.
La France a aussi institué un comité
similaire. C’est à la suite de ses recommandations
sur les OGM (organismes génétiquement modifiés)
que la population a été sensibilisée
à la question et a vu émerger une conscience
collective, symbolisée par l’activiste José
Bové.
Danny Raymond
