L'hydro-électricité
est-elle une énergie renouvelable?
(ASP) - Lhydroélectricité
est-elle lavenir de lénergie propre
et renouvelable? Même des experts en hydroélectricité
mettent en doute cette image idyllique. Au cours d'un
congrès de trois jours qui avait lieu récemment
à Montréal, il a été question
de populations de poissons qui diminuent et du mercure
qui s'accumule dans l'environnement.
Quelque 1600 professionnels d'une cinquantaine
de pays étaient réunis au Palais des congrès
en août, dans le cadre d'Hydrovision 2004, pour
aborder tous les aspects de lhydroélectricité.
Et si HydroVision 2004 a eu lieu à Montréal
cette année, ce nest pas un hasard. Le Canada
est lun des plus grands producteurs mondiaux dhydroélectricité
(13% de la production mondiale) et un exemple en matière
déquipements : 804 barrages et 650 centrales
hydroélectriques.
Le Canada consomme beaucoup dénergie
du fait du climat rigoureux et des longues distances entre
les zones habitées. Or lhydroélectricité
produit 50 fois plus délectricité
que les autres énergies renouvelables (éolienne
ou solaire) et engendre 35 fois moins de gaz à
effet de serre quune centrale au gaz naturel. Mais
le choix de lhydroélectricité est-il
justifié pour autant?
Lors dune séance technique,
Richard Verdon, conseiller en environnement dHydro-Québec,
tout en rappelant que " les aménagements
hydroélectriques font lobjet dun suivi
rigoureux en matière de qualité environnementale ",
a décrit limpact du complexe hydroélectrique
de la Baie James (177 000 km2 de terres)
sur les communautés de poissons. Ainsi, avant la
mise en eau des réservoirs en 1978, le doré
jaune était lespèce dominante (40%
des populations de poissons). La réalisation des
neuf centrales hydroélectriques a entraîné
linondation de 11 500 km2 et
la diminution de la température de leau (conséquence
de la dilution). Dans le réservoir Robert-Bourassa,
la population de dorés jaunes a diminué
de moitié, car cette espèce na pas
pu sadapter aux nouvelles conditions. Inversement,
la population de corégones a doublé car
cette espèce nest pas affectée par
la baisse des températures (ces poissons vivent
jusquà lextrémité nord
de la Baie dHudson).
Le conseiller en environnement dHydro-Québec
se veut rassurant : " Les résultats
des études de suivi et de recherche en environnement
devraient nous permettre dévaluer la qualité
de leau, lévolution des communautés
de poissons et la concentration de mercure dans leur chair,
mais également de réfléchir aux mesures
à prendre ".
Le ministère canadien de la Santé
prend au sérieux ces analyses de la qualité
de leau. En effet, les barrages favorisent la dégradation
de la matière organique (végétation
et animaux), puisque celle-ci se retrouve "piégée"
dans les grands réservoirs. En se dégradant,
la matière organique libère du mercure qui,
à labri de lair, se transforme en méthylmercure,
un composé toxique qui, dans certaines conditions,
peut entraîner des troubles cardiovasculaires et
immunitaires chez lhomme. Or les populations autochtones
du Nord québécois, et en particulier les
Cris du territoire de la Baie James, ont une alimentation
à base de poissons, ou à base d'animaux
qui se nourrissent de poissons. Des études sur
les poissons et leurs prédateurs comme les loutres,
les visons et les oiseaux aquatiques, ont montré
des concentrations élevées de mercure dans
leur système suite à l'effet cumulatif de
méthylmercure.
Produire de lélectricité
en réduisant les émissions des gaz à
effet de serre, lutter contre les inondations en régulant
le débit des rivières, créer une
réserve deau pour lirrigation et la
consommation deau potable, sont autant dobjectifs
que pourrait atteindre lhydroélectricité.
Lhydroélectricité pourrait même
aider le Canada, et dautres, à atteindre
les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto de
réduire de 6%, dici 2012, la production des
gaz à effet de serre. Mais pour ce faire, linstallation
déquipements engendre de nombreux bouleversements
environnementaux...