Agressivité:
les gènes ou l'éducation?
(Agence Science-Presse) - "La plupart des
hommes importants avaient le parfait potentiel pour devenir
de grands criminels s'ils avaient grandi dans un environnement
différent". La conclusion de Richard Tremblay en
choquera quelques-uns, mais elle traduit l'évolution
de la recherche sur les causes profondes de l'agressivité.
Les adeptes du totalitarisme génétique
seront déçus: "le" gène de l'agressivité,
celui qu'il suffirait de déconnecter pour vivre
dans une société paisible, n'existe pas.
Selon Richard Tremblay, chercheur en psychologie à
l'Université de Montréal, "les facteurs
génétiques gouvernent les comportements
agressifs dans les premières années de la
vie, mais très vite l'influence de l'environnement
prend le dessus."
Le titulaire de la Chaire de recherche sur
le développement de l'enfant sait de quoi il parle
puisqu'il vient de diriger un ouvrage qui décortique
l'origine et le développement des comportements
agressifs: Developmental Origins of Aggression
(Guilford Press). Le volume de 480 pages regroupe 34 chercheurs
du monde entier et réunit les découvertes
les plus récentes en la matière. Et de la
matière, il y en a.
Des bambins violents
Allons savoir pourquoi, on a tendance à
croire que c'est l'adolescence, la période la plus
violente. Le chercheur et ses collègues renvoient
ce présupposé aux oubliettes : "c'est autour
de l'âge de deux ans que nous manifestons le plus
d'agressivité." Face à l'étonnement
général, il conseille simplement d'aller
faire un tour à la crèche et ajoute en rigolant
: "quand je me promène dans le métro, je
trouve cela merveilleux de voir que personne n'est en
train de se mordre ou de se battre."
Les premières traces d'agressivité
pointent le bout de leur nez vers 12 mois. Cela ne suggère-t-il
pas justement une origine génétique aux
comportements agressifs?
C'est vrai, "tout est génétique,
mais ça ne veut pas dire que la génétique
détermine tout." Parler d'un ou des gènes
de l'agressivité ne signifie rien car il y a en
réalité une multitude de gènes impliqués
dans ce comportement, tout en servant aussi pour d'autres
comportements. Bref, ce système génétique
qui se répercute dans le cerveau est très
complexe.
Pour simplifier Richard Tremblay le compare
au fonctionnement d'une voiture. "Certains individus ont
tendance à appuyer sur l'accélérateur
dès qu'ils veulent quelque chose; il arrive en
plus qu'ils aient des problèmes pour freiner leurs
impulsions. On a donc des enfants plus agressifs." Mais
quand l'individu grandit, les choses changent: l'éducation,
les rapports avec les autres, tout notre environnement
influe sur l'évolution de nos comportements et
peut les modifier complètement.
À la crèche, un enfant va
s'apercevoir que de frapper son copain pour récupérer
l'ours en peluche n'est peut-être pas le meilleur
moyen. Un garçon sera grondé par ses parents
s'il tire les tresses de sa petite soeur. Résultat,
on apprend à atténuer ou à transformer
cette violence en ruse, en stratégie ou même
en gentillesse pour arriver à nos fins, car ces
moyens sont davantage adaptés à nos sociétés.
Mais imaginons un enfant maltraité,
sans autorité parentale ou élevé
dans un environnement belliqueux. Lui, personne ne lui
aura appris à utiliser le frein de son cerveau.
Finalement, Rousseau avait tout faux. La
violence n'est pas issue de l'environnement, on naît
avec. En revanche, ce potentiel peut évoluer d'un
extrême à l'autre selon le milieu dans lequel
on grandit.