L'Etat dans votre assiette
(ASP) - L'État qui intervient jusque
dans votre assiette, ça vous scandalise? C'est
pourtant nécessaire, selon Lyne Mongeau, pour manger
santé, diminuer les problèmes de poids et
alléger les coûts de santé. Selon
elle, les choix santé ne sont tout simplement pas
une affaire de responsabilité individuelle.
On appelle ça l'environnement
facilitant. Tout comme les pistes cyclables qui favorisent
lutilisation du vélo pour aller travailler,
un supermarché offrant beaucoup de produits santé
faciliterait une meilleure alimentation. Lyne Mongeau,
conseillère scientifique à lUnité
des habitudes de vie de lInstitut national de santé
publique du Québec, présentait le concept
d'environnement facilitant aux 8e Journées
annuelles de santé publique, qui avaient lieu récemment
à Montréal.
Lenvironnement facilitant, un terme
désormais consacré en santé publique,
crée un espace favorable aux choix santé.
Ça concerne autant les environnements physique,
alimentaire que socio-culturel. Si ce principe reste encore
peu connu du grand public, il existe pourtant depuis plus
de deux siècles, alors que linstallation
des aqueducs et des égouts avait grandement amélioré
lhygiène et diminué le taux de maladies
infectieuses. Ainsi, Mme Mongeau explique que depuis 1963,
la commission scolaire de Montréal a une politique
alimentaire. Cela permet aux écoles de gérer
elles-mêmes leur cafétéria et ce quon
y mange.
Infantilisante, lintervention de létat
dans lalimentation des gens? Mme Mongeau senflamme :
" la façon dont les gens salimentent
na à voir ni avec lintelligence, ni
la connaissance, ni léducation. Ce nest
pas parce quon est éduqué quon
va faire les meilleurs choix alimentaires. On na
peut-être pas les moyens pour le faire! "
Quand on est noyé parmi les 20 000 ou 30 000 produits
dun supermarché, faire un choix éclairé
devient, selon elle, irréaliste.
Aussi, quand les grandes surfaces privilégient
les produits de grandes multinationales aux détriments
de produits plus sains mais plus chers ou moins facilement
disponibles, cest là, dit-elle, quon
doit se demander si on jouit dune vraie liberté
de choix.
" Tant quon va claironner
que cest une question de liberté individuelle,
les compagnies vont être très contentes,
parce quon ne les achale pas et quelles vont
continuer à faire ce quelles font."
Elle fait le parallèle avec les efforts
anti-tabac des années 1990 au Québec, où
cest la norme quon a déplacée :
" Ce nétait pas une loi pour éduquer
tout le monde, cétait une loi pour avoir
des environnements sans fumée. " Cétait
donc lenvironnement quon changeait, plutôt
que le comportement individuel.
Signe, peut-être, dun autre
changement en cours, le ministère de la Santé
et des Services sociaux, pour la première fois
en 2004-2005, bénéficie dune enveloppe
budgétaire dédiée aux problèmes
de poids.
Pour démontrer linfluence de
lenvironnement dans nos habitudes de vie, Mme Mongeau
cite lexpérience vécue par les Taïwanaises,
où larrivée des téléromans
américains coïncide avec laugmentation
marquée des troubles alimentaires. Et en Chine,
lapparition de lobésité suit
lintroduction de la restauration rapide.