Les revues Science et Nature sont les plus prestigieuses de toutes les revues scientifiques. Leur influence qui dépasse souvent le cadre de la communauté scientifique, est comparable à celle des grands journaux politiques comme le New York Times. Bien que ces deux journaux aient des standards très élevés, il leur est arrivé de publier de grosses erreurs. Ces erreurs ont parfois de sérieuses conséquences. C’est le cas notamment dans le domaine de l’environnement et de l’énergie en raison des énormes enjeux socio-économiques et politiques.

La semaine dernière, un commentaire publié par Science soulignait qu’il y avait de grosses erreurs dans un article sur le climat qui avait été publié en 2004. Cet article avait fait sensation et avait été notamment soulevé au sénat américain pour mettre en doute l’impact humain sur les changements climatiques. Il avait aussi servi de prétexte a un véritable campagne de harcèlement et d’intimidation entreprise par un membre du congres américain contre certains chercheurs dont les résultats publiés auparavant montraient l’impact anthropogénique sur les changements climatiques. Les protestations de l’académie des sciences et de plusieurs organisations scientifiques ont été nécessaires pour mettre terme à cette campagne d’intimidation.

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L’histoire commence en 1998 avec la publication par Nature d’un article de Michael Mann et co-auteurs qui avaient utilisé toutes les données indirectes disponibles pour reconstruire le climat des 1000 dernières années. Dans leur étude, les auteurs avaient pris grand soin de vérifier la validité de leur méthode et qu’elle permettait de retrouver les variations récentes du climat. La forme de leur courbe de reconstruction de la température moyenne de la terre est celle d’un bâton de hockey, un long bâton droit avec une courbure au bout, représentant le réchauffement de la seconde moitié du 20 siècle. Cet article était très important car il montrait que le réchauffement depuis 1950 est sans précèdent et ne peut pas être causé par des variations naturelles. Cet article n’était pas le premier ou le seul à lier le réchauffement climatique a l’activité humaine, mais il a eu d'autant plus de retentissement qu'il etait publié par Nature.

Dans leur article de 2004, Von Storch et ses co-auteurs prétendaient montrer que la méthode de reconstruction du climat utilisée n’était pas valide et que donc l’impact humain n’est pas démontré. Par la suite, Von Storch avait cru bon dans une interview pour un journal grand public de mettre en doute la compétence de ses rivaux et de proclamer que leur travail était nul. Il s’avère maintenant que c’est Von Storch et ses co-auteurs qui avaient commis une grosse erreur. Cela arrive! On peut souhaiter qu’à l’avenir Von Storch fera preuve de moins d’arrogance, mais c’est peu vraisemblable. Dans une réponse au commentaire, Von Storch admet du bout des lèvres son erreur (Errare humanum est), tout en prétendant que cela ne change en rien la valeur de ses conclusions (Perseverare ….).

Cette petite histoire est exemplaire pour plusieurs raisons. Elle montre d’abord l’extraordinaire influence des revues Science et Nature qui va bien au-delà de la communauté scientifique. Elle montre aussi le fonctionnement du milieu de la recherche. Dans les sciences naturelles, il est possible de faire des erreurs, mais il y a toute une série de contrôles qui dans la plupart des cas finissent par les démasquer. Tout article scientifique est évalué par d’autres chercheurs avant d’être publié. En principe, cet examen critique devrait éviter la publication d’erreurs. Tout comme Nature, la revue Science prétend avoir de très sévères standards. Pourtant, le système peut faillir et des erreurs peuvent être publiées malgré une évaluation critique. Mais il n’a pas fallut très longtemps pour que l’erreur soit démasquée. Il ne faut pas nécessairement en conclure que tout est bien qui finit bien. En fait, cette erreur a fait beaucoup de mal en donnant des arguments « scientifiques » aux opposants du traité de Kyoto. Comme dans le domaine politique, la bonne foi ne triomphe pas toujours, on peut craindre que les opposants continuent de prétendre que l’impact humain sur le climat n’est toujours pas démontré.

Plus de détails sur cette affaire, et de nombreuses informations sur le climat sur le site de RealClimate:

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