Au cours des dernières semaines, Yvan et moi avons discuté à plusieurs reprises de télescopes terrestres (géants) et de pollution lumineuse qui limite l'observation du ciel. Pour mon dernier billet avant les vacances, voici un sujet connexe qui porte à réfléchir. L'augmentation du trafic aérien sonne-t-elle le glas de l'astronomie à partir du sol ?

Comme je le mentionnais dans mon dernier billet, un consortium internationnal, dont le Canada fait partie, prévoit la construction d'un télescope géant de 30m de diamètre d'ici 10 à 15 ans (voir ce lien). Les astronomes européens ne sont pas en reste et planchent déjà sur un projet de télescope dont le miroir primaire fera entre 30 et 100 mètres de diamètre - le ELT et/ou le OWL.

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Des projets d'une telle envergure ne se font pas à l'aveuglette. Plusieurs études sont nécessaires pour en justifier la nécessité et la faisabilité. Or, selon l'astronome Gerry Gilmore de l'Institut d'astronomie de l'Université de Cambridge en Angleterre, les changements climatiques à venir, ainsi que l'augmentation du transport aérien pourraient rendre l'observation astronomique à partir du sol presqu'impossible d'ici une quarantaine d'années.

Les nuages sont la bête noire de tous les astronomes, qu'ils soient amateurs ou professionnels. Certaines région du globe sont évidemement plus privilégiées que d'autres en ce qui concerne l'observation du ciel. Cependant, pour la plupart des astronomes il faut souvent suspendre l'observation et attendre que les nuages passent avant de reprendre le travail.

Une des conséquences du réchauffement climatique est l'augmentation par évaporation de la quantité de vapeur d'eau dans l'atmosphère. Ceci entraîne une augmentation de la couverture nuageuse et diminue par le fait même le nombre de nuits ou d'heures claires propices à l'observation astronomique. Naturellement, certaines régions plus désertiques seront épargnées et l'astronomie y serait, en principe, toujours possible. C'est ici qu'intervient le deuxième facteur.

Les avions qui volent à haute altitude produisent souvent ce que l'on appelle des trainées de condensations (en anglais "contrails").

Ces trainées s'étalent et se dissipent graduellement quelques heures après le passage d'un avion. D'un point de vue astronomique, il n'y a pas de différence entre les trainées de condensation et les nuages, mis à part la forme. Il faut donc suspendre les observations et attendre que ces trainées passent ou se dissipent.

Le problème est que le trafic aérien augmente sans cesse depuis plusieurs années. La fraction du ciel bloquée par les trainées de condensation est donc de plus en plus importante.

De plus, compte tenu des routes aériennes, presque toutes les régions du globe où sont situés les grands télescopes sont affectées par ces trainées. Selon l'étude du professeur Gilmore, la diminution des tarifs aériens entraînera une augmentation encore plus rapide de la couverture nuageuse par les trainées de condensation. Il estime que d'ici environ 40 ans, la dégradation des conditions propices à l'observation astronomique sera telle qu'il deviendra difficile de poursuivre les recherches avec des télescopes au sol. Il faudra donc se rabattre sur les télescopes en orbite beaucoup plus coûteux, ou des télescopes dans des régions difficiles d'accès comme l'Antarctique.

Pour paraphraser Gerry Gilmore "Il faut choisir entre une augmentation des vols à rabais pour la Floride ou Cuba, et l'astronomie" !

Sur ce, je prends une pause de courriel et d'internet pour quelques semaines et je vous retrouve (j'espère !) à mon retour des vacances.

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