La décontamination des sols, habituellement par des produits chimiques, est coûteuse et laisse souvent ces derniers infertiles durant plusieurs années. L’utilisation de plantes dépolluantes pourrait offrir une solution à ces problèmes. Cette utilisation, que l’on nomme phytoremédiation, gagne de plus en plus d’intérêt, notamment depuis l’amélioration des plantes par génie génétique. Bien que les recherches en cours semblent confirmer que les plantes génétiquement modifiées peuvent être efficaces pour décontaminer les sols, elles comportent néanmoins certains risques environnementaux et soulèvent des questions éthiques…

Récemment une forme génétiquement modifiée de moutarde indienne (Brassica juncea) a retenu l’attention en raison de ses capacités à absorber le sélénium. Celui-ci se retrouve naturellement dans l’environnement et dans notre nourriture. À petite dose, l’exposition à ce minéral n’est pas toxique. Au contraire, il est même reconnu pour ses propriétés antioxydantes. Cependant, dans certaines régions, dont la Californie, il se retrouve en surabondance dans les eaux usées au point où il provoque des anomalies du développement chez certains oiseaux sauvages. Pour remédier à cette situation, des chercheurs ont modifié génétiquement la moutarde indienne afin qu’elle produise en quantité plus élevée l’enzyme adénosine triphosphate sulfurylase (ATS). Cet enzyme permet à la moutarde indienne d’absorber une plus grande quantité de sélénium. Cette nouvelle plante capture jusqu’à quatre fois plus de sélénium que la plante sauvage. Mais, un coup que la plante a accumulée les contaminants, que ce passerait-t-il ?

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Afin que les contaminants accumulés par les plantes ne se retrouvent pas dans l’environnement, les plantes utilisées devraient être habituellement récoltées et, par la suite, détruites adéquatement. Par exemple, on les brûlerait et on récupèrerait les contaminants dans les cendres - s’il s’agit d’un minerai (ex. : plomb ou cadmium), on pourrait le vendre à l’industrie! Par contre, dans le cas de la moutarde mentionnée plus haut, celle-ci transforme le sélénium en un produit volatil qui se disperse dans l’atmosphère sans risques environnementaux. Mieux encore, elle pourrait être consommée sans risques par les animaux d’élevage qui combleraient en même temps leur déficit en sélénium.

Toujours dans le domaine agricole, la salinité des sols rend difficile leur culture, particulièrement dans les pays ou l’irrigation est nécessaire. Le développement de variétés tolérantes au sel a été tenté par hybridation classique, mais sans succès. Une stratégie alternative est l’obtention de variétés tolérantes par génie génétique. En poussant sur les sols salins, ces plantes diminueraient l’érosion et permettraient la culture sur des sols jusque là non propices. Cependant ces plantes pourraient avoir des risques pour l’environnement.

En effet, elles pourraient se reproduire et ainsi se disséminer dans l’environnement. Néanmoins, des techniques visant la stérilisation des plantes génétiquement modifiées ont été élaborées. Ainsi, ce problème peut, en principe, être résolu. Une autre solution consiste tout simplement à n’utiliser que des plantes qui, naturellement, ne se disséminent pas et ne se croisent pas avec des espèces semblables. En tous lieux, ces précautions devraient être respectées afin qu’une pollution génétique ne soit pas provoquée en tentant de supprimer une pollution chimique.

Le débat public à l’égard de la phytoremédiation par des OGM n’est pas, en principe, différent de celui qui entoure la culture d’aliments transgéniques. Pourtant, la phytoremédiation par des OGM ne soulève que peu de débats. Il y a à cela plusieurs raisons. Celle la plus souvent avancée est que la culture des plantes dépolluantes ne concerne pas directement l’alimentation humaine, mais plutôt l’amélioration de notre environnement. Elle irait donc dans le sens souhaité par une majorité des citoyens.

Par contre, des recherches sur la phytoremédiation ont impliqué le transfert de gènes humains dans les plantes utilisées. Un tel transfert soulève des problèmes éthiques. Pour certains, le transfert d’un gène d’une espèce dans le génome d’une autre, surtout s’il s’agit d’un gène humain, constitue un acte contre-nature.

Par ailleurs, la phytoremédiation par des OGM semble être une méthode biologique douce par rapport aux techniques chimiques disponibles. Elle pourrait ainsi bénéficier d’une attitude plus accueillante de la part du public que celle accordée aux OGM alimentaires. Mais cela reste à confirmer, puisque la commercialisation des plantes génétiquement modifiées dépolluantes n’est pas prévue avant une dizaine d’années.

Références

Banuelos G., Terry N., Leduc D., Pilon-Smits E. A. H. & Mackey B. B. (2005) Field Trial of Transgenic Indian Mustard Plants Shows Enhanced Phytoremediation of Selenium-Contaminated Sediment. Environ. Sci. Technol. 39 (6):1771 – 1777

Flowers, T.J. (2004). Improving crop salt tolerance. Journal of Exp. Botanic 55 (396): 307-319.

Lien intéressant

Gouvernement du Québec. Source d’information sur les organismes génétiquement modifiés. Utilisations potentielles des végétaux GM.

http://www.ogm.gouv.qc.ca/infopot_vege_envi.html

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