Je rentre tout juste d'une fin de semaine à Washington D.C. et dans l'avion qui me ramène à Montréal, je n'ai pu m'empêcher de songer à la petite fête de dimanche, qui s'est terminée ce matin, aux aurores. Parmi la trentaine de personnes présentes se trouvaient plusieurs physiciens.

On pourrait croire que c'est là une recette certaine pour gâcher le plaisir. Après tout, il n'y a rien de mieux pour terminer une conversation avec quelqu'un qu'on rencontre pour la première fois que de répondre, à la question

— Que faites-vous dans la vie?

— Oh, moi? Je suis physicien.

Immanquablement, sans égard au niveau d'éducation de mon vis-à-vis, le dialogue se termine ainsi :

— Physicien? J'étais tellement poche en physique au secondaire...

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Puis mon interlocutrice ou interlocuteur se dépêche de prendre le large. Heureusement, je peux maintenant rapidement rajouter:

— Oh moi? Je suis physicien et je travaille sur la maladie d'Alzheimer.

Ce qui change du tout au tout la tournure de la conversation.

— Vraiment? Mais qu'est-ce que fait un physicien là-dedans?

Si c'est l'effet que fait un physicien dans une fête, alors qu'est-ce c'est quand ils sont plusieurs? Eh bien, c'est tout le contraire de ce que vous pourriez imaginer. Car, pour une raison inconnue, les physiciens semblent aimer tout particulièrement la musique et ils sont nombreuses et nombreux à jouer d'un ou plusieurs instruments. Étonnamment, l'attrait des physiciens pour les arts semble se concentrer sur la musique et je connais très peu de physiciens qui peignent dans leur temps libre ou qui jouent au théâtre. Par contre, ils sont nombreux à pratiquer la musique.

Impossible ici de ne pas mentionner Albert Einstein, qui jouait du violon, ou Richard Feynman, un amateur de bongos averti. Max Planck, un des plus importants physiciens du début du XXe siècle, était aussi pianiste. Plus près de nous, rien qu'au Département de physique de mon université, on trouve des physiciens qui excellent à l'accordéon folklorique, à la guitare, au piano, à la flûte je ne sais quoi d'autre encore.

Évidemment, on trouve des musiciens amateurs parmi toutes les professions. Mais en parlant à mes collègues d'autres disciplines universitaires, il semble que les physiciens pratiquent la musique dans une proportion nettement supérieure à la moyenne des professeurs d'université. On dit souvent que c'est parce que la musique est l'art le plus formel d'un point de vue structural, ce qui cadre bien avec l'esprit du physicien qui doit appliquer sa créativité dans le cadre restreint de la réalité.

Je ne connais pas d'étude qui ait montré ou infirmé cette affirmation, mais je pense plutôt que c'est parce que les physiciens aiment particulièrement s'amuser, que ce soit dans le laboratoire ou en public, contrairement à ce que colporte leur réputation. Aussi, la prochaine fois que vous rencontrerez une physicienne ou un physicien dans une petite soirée, ne vous sauvez pas tout de suite, restez plutôt et vous découvrirez rapidement que les gens de ma profession sont beaucoup plus délurés que vous ne pouviez l'imaginer!

Je donne