Cette semaine, Pierre Gosselin de l’Institut national de santé publique du Québec, du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec et du Consortium Ouranos s’entretient avec vous des liens entre santé et changements climatiques.

En 2005, 24 % des 5 088 Québécois interrogés lors d’un sondage téléphonique disaient que les changements climatiques altéraient déjà leur état de santé de façon modérée ou majeure. Les changements climatiques agissent de diverses façons, soit directement (coup de chaleur durant une canicule; décès et blessures attribuables à un glissement de terrain, etc.), soit indirectement (problèmes respiratoires liés au smog lors de journées très chaudes et humides, gastroentérites associées à la contamination de l’eau potable lors de pluies diluviennes, etc.), voire insidieusement : la déformation de la piste d’un aéroport (construite sur le pergélisol qui fond) peut par exemple créer une insécurité importante chez une population nordique largement tributaire du transport aérien pour l’approvisionnement alimentaire ou pour les évacuations médicales.

Les effets des changements climatiques sur la santé affectent aussi plus durement certains sous-groupes de la population déjà vulnérables comme les personnes âgées atteintes de certaines maladies chroniques, les sans-abri ou encore les ménages à très faible revenu. De la même façon, certaines communautés sont plus sensibles que d’autres aux changements climatiques parce que leur population vieillit, ou émigre pour trouver du travail, ou, à l’inverse, en raison d’une croissance trop rapide. Les problèmes locaux, comme des infrastructures désuètes pour l’eau potable, ou des problèmes environnementaux comme une forte érosion côtière, ou les îlots de chaleur dans les grands centres urbains, viennent influencer la capacité de réaction humaine et financière de ces communautés. La plus connue des conséquences est la canicule qui peut causer des milliers de décès lorsqu’on n’y est pas préparé, comme en Europe au mois d’août 2003 (plus de 30 000 morts en trois semaines).

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Au Québec, la hausse des températures estivales moyennes pourrait entraîner (selon le scénario A2 établi par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – le GIEC – et si on ne prenait aucune mesure préventive), une augmentation la mortalité estivale au Québec de l’ordre de 2 % en 2020 et de 10 % en 2080; ce scénario A2 est maintenant considéré comme un peu optimiste par les scientifiques du climat... Ces résultats pourraient être sous-estimés, puisque ces simulations ne prennent pas en compte le vieillissement de la population, et plus particulièrement la part croissante des 65 ans et plus (passant de 12 % en 2001 à 24 % en 2025). Or, ce groupe est plus vulnérable au réchauffement climatique que celui des 05-65 ans. Et il s’agit de la température moyenne, les canicules viennent s’y ajouter !

De fait, les changements physiologiques associés au vieillissement, la présence de diverses maladies (cérébrovasculaires, cardiovasculaires, métaboliques, respiratoires, rénales, neurologiques comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson) et la prise de plusieurs médicaments prédisposent les personnes âgées à des troubles liés à la chaleur. En plus, des îlots importants de pauvreté subsistent chez les aînés, ce qui peut grandement limiter l’utilisation de la climatisation à domicile pour les malades, souvent plus pauvres: en 2005, 18,2 % des ménages québécois ayant des revenus de moins de 20 000 $ avaient accès à un climatiseur, comparativement à 54,8 % des ménages dont les revenus s’élevaient à 80 000$ ou plus.

Afin de soutenir des milieux de vie accueillant des personnes âgées défavorisées et dont la santé peut être gravement altérée par la chaleur, il apparaît souhaitable d’encourager diverses initiatives, comme des résidences climatisées pour les plus vulnérables d’entre elles. Selon un sondage réalisé récemment au Québec, une forte proportion de la population approuverait cette stratégie de santé publique, considérée comme étant la plus efficace à court terme.

Parallèlement, d’autres types de mesures doivent toutefois être mises en place sur les plans de l’environnement et de l’habitation, comme l’application d’une réglementation favorisant la plantation des arbres et diminuant leur abattage en milieu urbain, la construction d’hôpitaux à haute performance énergétique, la déshumidification des habitations, ou l’amélioration de leur ventilation et de leur isolation.

Mais la climatisation ne saurait être considérée comme le moyen de pallier l’actuelle déforestation urbaine, ou encore de régler les erreurs de conception ou de gestion d’un bâtiment. Elle contribue de surcroît, selon les sources d’énergie utilisées, aux émissions de gaz à effet de serre. Enfin, elle s’avère de plus en plus énergivore aux heures de pointe : la proportion de ménages québécois dotés d’un climatiseur à domicile a plus que doublé en 15 ans, passant de 15,2 % en 1993 à 36,4 % en 2005, et il ne s’agit pas de personnes malades mais de biens portants pour la plupart! Un peu de planification dans les mesures d’adaptation s’impose donc si on ne veut pas empirer le problème qu’on essaie de régler.

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