Peut-on savoir, grâce aux techniques de détection actuelles, si des animaux d'élevage ont été nourris aux OGM ? C'est la question qu'une équipe française pilotée par des chercheurs de l'INRA s'est proposée d’étudier. Pour cela, elle a analysé des échantillons de sang prélevés sur des vaches nourries ou non au maïs transgénique.

Les chercheurs ont montré que de petits morceaux d'ADN provenant de la nourriture peuvent bel et bien traverser la membrane intestinale et se retrouver dans le sang des ruminants. En revanche, dans aucun échantillon, la séquence d'ADN transgénique propre au maïs transgénique Bt176 (1) n'a pu être retrouvée de façon certaine, écartant ainsi, pour l'heure, la possibilité d'un contrôle analytique capable de reconnaître les animaux nourris aux OGM.

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La traçabilité et l'étiquetage des produits, notamment de ceux ayant trait aux OGM, préoccupe à la fois l’industrie agro-alimentaire et les consommateurs. Certains acteurs réclament que les animaux nourris aux OGM soient "étiquetés" comme tels, ce qui est également une façon de valoriser les animaux nourris avec des aliments conventionnels. Á ce jour, aucune législation dans le monde n'a pris en compte ces revendications. Toutefois, à la demande de l’industrie laitière, une équipe de chercheurs français a cherché à savoir s'il était possible de mettre au point un test permettant d’identifier les animaux nourris aux OGM.

L'expérience a porté sur deux groupes de 24 vaches nourries soit avec le maïs transgénique Bt176, soit avec un maïs conventionnel. Les chercheurs ont recherché dans les échantillons de sang prélevés sur ces animaux, quatre séquences d'ADN différentes : deux séquences d'ADN présentes en une seule copie dans le noyau du maïs, parmi lesquelles une séquence du Bt176; deux séquences présentes en milliers de copies, l’une du génome du noyau et l’autre de celui des chloroplastes de cette céréale. Les chercheurs ont réalisé une PCR quantitative en temps réel (2) pour chacune de ces quatre cibles. Par ailleurs, ils ont cherché à détecter dans les échantillons la protéine Cry1A(b) codée par le transgène présent dans Bt176. Contrairement aux études réalisées antérieurement par d'autres équipes, cette PCR répondait aux standards internationaux (norme ISO DIS) et multipliait les contrôles afin d'écarter tout faux-positif ou faux-négatif.

On pensait que, lors de la digestion, l'ADN des espèces animales ou végétales consommées se dégrade avant de traverser l'intestin et passer dans le flux sanguin. Mais plusieurs résultats récents ont montré que certaines séquences intactes pouvaient traverser cette barrière. A l'aide de la PCR quantitative en temps réel, les chercheurs ont pu détecter dans leurs échantillons de sang, les deux séquences présentes en de nombreuses copies dans le génome du noyau et des chloroplastes du maïs. Ainsi, l’équipe a confirmé que des séquences d'ADN d’au moins 150 paires de bases issues de la nourriture, peuvent passer dans le sang. Par ailleurs, la quantité de séquences provenant des chloroplastes s'est avérée plus élevée que celle des séquences du noyau. Ceci pourrait être dû au fait que la membrane plasmique de ces organites protège mieux le matériel génétique que la membrane du noyau.

En revanche, les chercheurs n'ont pas trouvé les séquences présentes en une seule copie, telle la séquence du Bt176. Ce fragment d'ADN a théoriquement pu traverser la membrane intestinale comme n'importe quelle autre partie du génome, mais sa concentration dans les échantillons doit être si faible que la technique de PCR quantitative en temps réel, qui est la plus sensible dont on dispose, n'est pas en mesure de la détecter. Enfin, la protéine Cry1A(b) n'a pas davantage été retrouvée, celle-ci ayant probablement été dégradée lors de la digestion.

En conclusion, les outils actuels de contrôle de routine ne permettent pas de savoir si un animal a consommé des aliments transgéniques. La traçabilité de ces animaux n'est donc possible qu'au travers des procédures documentaires.

(1) le maïs Bt176 est un maïs transgénique synthétisant une protéine insecticide grâce à un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis, utilisée en agriculture biologique, qui lui a été transféré. Pour les besoins de l’expérimentation il a été utilisé un maïs du commerce.

(2) PCR quantitative en temps réel: méthode qui permet d’identifier et de mesurer la teneur dans un échantillon d'une séquence d'ADN déterminée.

L'étude en question :

Y. Bertheau, et al. (2009) Persistence of Plant DNA Sequences in the Blood of Dairy Cows Fed with Genetically Modified (Bt176) and Conventional Corn Silage. Journal of agricultural and food chemistry, volume 57, Issue 2, pages 509-516.

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