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Pourquoi si peu de scientifiques sont-ils engagés socialement? Probablement pour la même raison qui fait que, lorsqu’un média parle de l’engagement social... il oublie les scientifiques!

C’est bien connu, on aime accuser les scientifiques de ne pas assez sortir de leur tour d’ivoire. Même pour faire un timide premier pas à l’extérieur, par exemple en intervenant dans la page Opinions de leur quotidien local. Et ce n’est pas une accusation injuste : ils sont effectivement très peu présents sur la place publique.

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Seulement, c’est comme le tango, ça prend deux partenaires : les médias ne sont pas très chauds à l’idée de faire appel aux scientifiques —et je ne parle pas ici de l’entrevue classique, usée à l’os, liée à la recherche qui vient de paraître dans Nature ou Science, mais de l’appel à l’intellectuel pour avoir son opinion sur un sujet d’actualité. Ou pour le faire participer au débat de l’heure. Bref, pour l’entraîner sur la pente (savonneuse) de la discussion politique.

Dans sa chronique « Éloge de l’engagement », le journaliste Stéphane Baillargeon du Devoir, en donnait un exemple. « Savant, militant et bête à média, c’est donc possible? », ironisait-il. Sauf que par « savant », il pensait exclusivement à des gens de sciences sociales. Jean-François Lisée et Joseph Facal. Pierre Bourdieu et Guy Rocher, qui refusent de « séparer la compétence académique de l’engagement ». Bravo pour eux. Mais pourquoi ne pense-t-on jamais à citer aussi des scientiques?

Je vous l'accorde, ils ne sont peut-être pas nombreux, mais ce n’est pas comme s’il n’existait qu'Hubert Reeves. Nous réussissons à en trouver régulièrement pour l’émission Je vote pour la science . Il y en a qui écrivent des livres, d’autres qui bloguent. Et la semaine dernière, au congrès sur les politiques scientifiques canadiennes, au moins deux panels étaient spécifiquement consacrés à diverses formes d’engagement social des scientifiques.

Mais dans les médias —et pas juste eux: dans la société, tout autour de vous, si vous n’êtes pas scientifique— on l’oublie. Le même genre d’oubli dont je parlais dans le billet précédent, qui nous fait considérer normal de consacrer un long article au Nobel d’économie, même s’il est incompréhensible, mais rien du tout au Nobel de chimie, parce qu’il est incompréhensible.

Le lien entre tout ça: sciences sociales, good, sciences, bad. Le public s’attend à ce que le politologue ou l’économiste ou le sociologue soient sur la place publique. Les médias en redemandent. Mais pas le physicien ou le biologiste. Un réflexe qui tire ses racines dans cette vision surannée d’un scientifique condamné à vivre en retrait de la société. Autrement dit, le mythe de l’intellectuel enfermé dans sa tour d’ivoire se perpétue, en partie parce que ceux-là même qui critiquent la tour d’ivoire contribuent à l’entretenir.

Dans la 2e partie: l'implication sociale, une obligation morale?

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Les autres textes de ce blogue sont ici.

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