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Donc, les scientifiques ne s’expriment pas beaucoup sur la place publique. C’est certainement en partie la faute au système qui ne valorise pas ce type d’implication sociale, mais en attendant, puisque ce blogue parle de médias : que peuvent y faire les journalistes?

On aimerait bien croire qu’il suffirait que les médias parlent plus de science pour régler le déséquilibre. Ou que davantage de connaissances entrées de force dans le crâne des journalistes constituerait la solution. Mais des journalistes scientifiques talentueux, il y en a, et pourtant, les récriminations continuent de fleurir dans toutes les rencontres scientifiques : le « media bashing » soulage.

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Si les scientifiques sont voués à être perpétuellement insatisfaits, au moins devraient-ils voir le déclin du journalisme scientifique dans les grands médias comme une opportunité. C’est ce qu’a plusieurs fois suggéré le journaliste environnemental du New York Times, la dernière fois dans un texte intitulé « Filling the science communication gap » :

Les journalistes spécialisés occupent maintenant une portion rétrécie de la tarte en expansion des médias. La réalité menace d’éroder l’appréciation déjà limitée qu’a le public de la science. Mais cette situation présente aussi une grande opportunité —et une responsabilité— aux scientifiques, à leurs institutions et à ceux qui les financent. Les institutions qui grandissent dans ce monde de communications en évolution, sont celles qui sont prêtes à engager la discussion avec le public (incluant les critiques) et à expérimenter différentes stratégies. L’alternative est de s’asseoir, attendre que la désinformation se répande et alors seulement —après que ce soit arrivé— tamiser les faits de la rumeur.

Mais pour qu’ils pénètrent davantage l’espace public, encore faut-il que les scientifiques —ou leurs institutions— connaissent mieux le public et ses attentes. Si on veut par exemple vulgariser, ça peut vouloir dire mettre en scène une histoire : une façon de tourner les coins ronds qui déplaît souvent au chercheur. Ça veut vouloir dire, si on choisit plutôt Internet, le risque, à court ou moyen terme, d’une plus grande interactivité, donc des réponses à des questions qui n’étaient pas prévues dans le plan de cours. De tels choix finissent inévitablement par conduire à prendre position sur un ou des enjeux controversés, parce qu’on est devenu celui ou celle qui se joint à la « discussion ».

Revenons à cette conclusion de l’Académie des arts et sciences, dans le billet précédent, les scientifiques doivent mieux comprendre le public, et vice-versa. Randy Olson, auteur d’un livre au titre limpide, Don’t Be Such a Scientist , réagissait ainsi à cette conclusion :

Écouter est un problème. Les gens peuvent glousser à l’idée de leçons de théâtre improvisé pour les scientifiques, mais c’est la première chose que cela leur apprendrait : comment écouter et interagir avec les autres, plutôt que de projeter votre propre ordre du jour myopique.

Et encore, prendre position sur des enjeux controversés, se joindre à la « discussion », ce n’est pas seulement vulgariser pour ce qu’on appelle le « grand public », et ceci est un constat extrêmement important à l’heure des milliards de sites web et de blogues. Prenons par exemple les initiatives collectives présentées à l’émission Je vote pour la science ces dernières semaines : une Académie des jeunes scientifiques aux Pays-Bas, pour faire contrepoids à « l’âgisme » des académies traditionnelles; la campagne du syndicat des scientifiques du gouvernement canadien, pour dénoncer l’ingérence politique; les scientifiques britanniques descendus dans la rue pour dénoncer les coupes budgétaires; le groupe de réflexion lancé par Florence Piron sur les investissements dans la recherche au Québec; et le congrès canadien sur les politiques scientifiques, qui visait à jeter des ponts entre la science et la politique. Ce sont toutes des initiatives « citoyennes » fort intéressantes, mais il ne faut pas s’attendre à ce que La Presse ou le Globe and Mail leur consacrent un large espace. Au contraire, il peut être tout aussi efficace de cibler d’abord « un public » précis, plutôt que « le grand public ». Quand l’Académie des arts et sciences conclut que « les scientifiques doivent mieux connaître leur public », c’est aussi ça que ça veut dire.

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