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Les nouveaux tests génétiques qui permettent de cartographier l’ensemble du génome humain peuvent maintenant expliquer pourquoi un enfant est né avec des problèmes congénitaux ou montre des retards de développement. Mais ils peuvent aussi causer des surprises.

C’est la mise en garde qu’a servie récemment le docteur Arthur L. Beaudet, du Département de génétique humaine et moléculaire au Baylor College of Medicine de Houston, au Texas, dans une lettre au journal médical The Lancet (numéro du 12 février 2011). Plusieurs enfants référés à son laboratoire, écrivait-il, montraient une absence d’hétérozygotie dans de grandes régions de nombreux chromosomes. Autrement dit, certaines caractéristiques (ou allèles) de leurs gènes étaient identiques, alors qu’elles auraient normalement dû être différentes. Le médecin notait que cela se produit souvent chez des enfants dont les parents partagent le même matériel génétique : père et fille, mère et fils, frère et sœur.

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Depuis au moins vingt ans, il est reconnu que les enfants issus de relations incestueuses présentent fréquemment certaines déficiences mentales ou physiques. Mais, avec les avancées de la recherche, on peut maintenant très facilement identifier ces cas. Le problème, si l’on peut s’exprimer ainsi, c’est que les résultats possibles des tests pratiqués chez ces enfants ne sont pas toujours expliqués en détail quand une expertise est demandée. Dans certains cas, le dévoilement du lien de consanguinité des parents pourrait donc causer des surprises. Et quand la mère de l’enfant est mineure, c’est encore plus problématique. Qu’on pense seulement, au Québec, à l’obligation de signalement à la Direction de la protection de la jeunesse.

La lettre du docteur Beaudet voulait sensibiliser le monde médical à cette nouvelle réalité. Il y suggérait que les différents comités états-uniens d’éthique en génétique humaine se penchent sur la question. Des recommandations en ce qui concerne l’obtention des consentements, la divulgation des résultats et la signalisation des cas pourraient alors être mises en place.

Mais dans quelle mesure les généticiens et autres praticiens sont-ils conscients que de telles situations sont susceptibles de se multiplier ? Si le docteur Beaudet a pu lui-même constater plusieurs cas d’inceste à la suite d’analyses d’ADN – le fait que son laboratoire offre aussi ces tests contre rémunération n’est sans doute pas étranger au nombre de telles situations ainsi répertoriées – il n’en est pas partout ainsi, semble-t-il.

Par exemple, lorsqu’elle a fait état de la lettre du docteur Beaudet, le 10 février, l’agence Reuters a aussi rapporté une entrevue avec Nancy Spinner, médecin et professeure de pathologie à l’École de médecine de l’université de Pennsylvanie. Celle-ci affirme avoir vu deux cas semblables depuis mai 2008, et elle reconnaît avoir eu des sueurs froides en prenant connaissance des résultats des tests. Elle a toutefois été soulagée d’apprendre du médecin traitant que, chaque fois, l’inceste était déjà connu.

Par ailleurs, selon Le Devoir, l’agence Associated Press a demandé l’opinion de Ross Upshur, directeur du Centre de bioéthique de l’Université de Toronto à ce sujet. Sans avoir été lui-même témoin de cas où les tests génétiques ont révélé un inceste, il se dit absolument certain que cela va devenir un problème important. « La science avance tellement vite qu’on découvre souvent des informations que nous n’imaginions pas devenir un jour aussi sensibles ».

Le professeur Upshur reconnaît que des recommandations sont nécessaires pour conseiller les médecins confrontés à des informations potentiellement sensibles. Et sa conclusion illustre bien la complexité de la situation actuelle : « Vous ne pouvez pas refermer la boîte de Pandore, dit-il. Mais vous ne pouvez pas non plus empêcher les scientifiques d’explorer les voies légitimes de la découverte génétique ».

Jean-Luc Beauregard

Ce billet a été écrit dans le cadre d'un travail d'équipe pour le cours RED2301 - Problèmes de vulgarisation, donné par Pascal Lapointe, à l'Université de Montréal à la session d'hiver 2011.

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