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Que l’on aime ou pas, il est néanmoins indéniable qu’aux yeux de certains, il est grandiose. En effet, le tableau N°5 (ci-contre), du peintre américain Jackson Pollock, s’est vendu en 2006 pour près de 140 millions de dollars US. Ce n’est d’ailleurs qu’une évaluation, le montant exact n’ayant pas été révélé par l’acheteur. Ce que l’on sait néanmoins, à quelques millions près, c’est qu’il s’agit de la somme la plus importante jamais versée pour un tableau.

Avec des sommes pareilles en jeu, l’art représente un domaine tentant pour les faussaires. Heureusement, la science dispose d’outils permettant de les contrecarrer. Ci-dessous, j’en décris quelques-uns parmi les plus simples. Il serait utile de les consulter, avant l’acquisition de votre prochain Van Gogh.

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Le test à l’alcool est le plus facile et le plus rapide à exécuter. Lorsqu’une peinture à l’huile « sèche », son poids augmente, car, au fil du temps, l’huile absorbe l’oxygène de l’air et entraîne des liaisons de polymérisation. La surface ainsi produite devient extrêmement rigide et forme une barrière de protection. Si après avoir effleuré la surface d’un tableau d’un coton imbibé d’alcool des traces de peinture apparaissent, c’est signe que ce dernier a été peint plutôt récemment. Le fameux faussaire hollandais van Meegeren est parvenu à déjouer le test de l’alcool, en appliquant un vernis à base de bakélite sur ses Vermeer (lire l’article « La science du faux »).

Avec le temps, cette même surface forme aussi des craquelures. Puisqu’en règle générale, tout tableau ancien en possède, les faussaires essaient de les reproduire artificiellement. Pour ce faire, ils appliquent du blanc d’œuf sur la surface, qu’ils laissent ensuite sécher. Par la suite, la toile est pliée pour donner l’apparence de craquelures. Si la présence de celles-ci peut tromper un amateur, un conservateur expérimenté parvient généralement à repérer la tromperie. En effet, ces craquelures se développent dans des formations caractéristiques qui dépendent de la manière dont la toile est attachée au cadre; un effet qu’il est difficile de reproduire artificiellement.

Certains faussaires commettent l’erreur d’utiliser des pinceaux neufs pour reproduire une peinture ancienne. Les pinceaux étant désormais faits à partir de poils de nylon, la présence de filaments de nylon imbriqués dans la peinture révèle rapidement la contrefaçon, cette matière n’ayant été introduite qu’au milieu du siècle dernier.

D’autres techniques demandent plus d’efforts. Malgré cela, l’expert cherche à éviter tout prélèvement d’échantillon de la toile afin de préserver l’intégrité optimale de l’œuvre. La macrophotographie en lumière rasante répond à ces critères. Dans ce processus, la toile est photographiée de très près, mais avec la lumière projetée de côté. Ceci permet de mieux discerner les craquelures et informe quant à la qualité de la surface du tableau.

L’authenticité d’un tableau peut être aussi établie grâce à la photographie à l’infrarouge. Capable de pénétrer les couches superficielles d’un tableau, ce rayonnement possède également la propriété de réflexion par le carbone. Les marques de fusain utilisé par beaucoup d’artistes pour faire des esquisses sont ainsi révélées. L’absence de ces tracés dans un van Eyck par exemple est un signe de contrefaçon.

Le plomb est rendu opaque grâce aux rayons X. C’est pourquoi la photographie aux rayons X est employée pour mettre en évidence la présence de blanc de plomb, [Pb(CO3)2-Pb(OH)2]. Peu utilisé aujourd’hui pour des raisons sécuritaires et remplacé par le blanc de titane (TiO2), ce pigment était privilégié par les peintres de l’École flamande. Une photographie aux rayons X d’un véritable Rembrandt révélera une grande utilisation de ce pigment *.

Je vais terminer ma rubrique en mentionnant un pigment peu commun. Il s’agit du jaune indien, dont la présence est détectée par la photographie à l’ultraviolet. Lorsque le jaune indien est exposé à un rayonnement de cette région du spectre, il en résulte une forte fluorescence caractéristique de sa présence. Le jaune indien - qui n’est plus utilisé aujourd’hui - était préparé à partir d’urine de vaches nourries exclusivement de feuilles de mangue. Soumises à ce régime très particulier, ces pauvres vaches ne survivaient pas très longtemps.

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* La photographie aux rayons X a aussi révélé que Picasso, en plus de ses talents d’artiste, était également kleptomane à ses heures. Pendant la guerre, Picasso était l’un des administrateurs du Musée d’Antibes, dont l’un des bienfaiteurs était un certain général Vandenberg. Pour le remercier, le Musée avait fait peindre un tableau de lui; une toile devenue introuvable après la guerre. À la suite du décès de Picasso, l’on décida de radiographier aux rayons X l’ensemble de son œuvre. Vous pouvez deviner la suite… sous Mangeur d’oursins se trouve le général. Voir la surface du tableau et sa photo aux rayons X dans les photos.

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L’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill présente des capsules sur des sujets défrayant l’actualité scientifique. Plus de renseignements sur ces sujets, ou d’autres d’intérêt général, sont disponibles en communiquant avec Ariel Fenster.

Professeur Ariel Fenster Organisation pour la science et la société de l’Université McGill 514 398-2618 _______________________________________________________________________________________________________

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