graphique-bourse.jpg
Vous ne comprenez rien à l’économie, et vous devez malgré tout écrire un texte? C’est pas compliqué, parlez du marché. Ça va passer tout seul.

Sérieusement. On a coutume de dire qu’il est important de vulgariser les sciences —et c’est, après tout, le sujet de ce blogue. Mais comme je le signale souvent à mes étudiants, l’économie aurait elle aussi un grand besoin d’être vulgarisée.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Mon exemple préféré, c’est le marché. Pensez à tout ce que vous avez entendu depuis deux semaines. « Le marché est nerveux ». « Le marché panique. » « Le marché a le hoquet. » « Le marché hésite. » Quelqu’un va-t-il finir par nous le présenter, ce fameux marché? À quelles bassesses faut-il se livrer pour enfin obtenir une interview de ce célèbre personnage?

Chose certaine, ce qu’il y a de pratique avec Monsieur Marché, c’est qu’on peut lui faire dire ce qu’on veut... en fonction de l’histoire qu’on veut raconter! Le journaliste Ryan Chittum nous signale qu’au lendemain du vote du Sénat, à Washington, qui a mis un terme à la tragi-comédie du débat sur le plafond de la dette, le Wall Street Journal et le New York Times ont respectivement titré, le 2 août :

Le marché boursier américain chute en dépit du vote du Sénat Le marché chute encore, en dépit du vote sur la dette

Ce qui est une façon facile de se faire croire qu’on a une histoire déjà toute prête à vous raconter : ah, ce vilain Monsieur Marché; pour une raison incompréhensible, il n’a pas bien réagi!

Alors que la véritable histoire, en cette fin d’été, ce serait plutôt que l’économie américaine est toujours aux prises avec un taux de chômage de 9,2%. Et ça, c’est passablement plus inquiétant pour Monsieur Marché que le vote des sénateurs. Moins il y a de gens qui travaillent, moins ils ont d’argent, donc moins ils achètent, donc plus ils créent d’autres chômeurs, et donc, « le marché » n’aime pas ça. Même moi, j’ai compris.

Le 4 août fut une journée encore pire : à la bourse de New York, la pire baisse depuis la crise de l’automne 2008. Baisses un peu partout dans le monde aussi. Les manchettes dans Le Devoir et le National Post du lendemain :

Lourde chute des Bourses mondiales Panic as markets plunge

Sans me faire trop média-freudien, je pense pouvoir avancer que la manchette du National Post révèle qu'il était celui des deux qui, ce matin-là, paniquait le plus. C’était davantage « son » monde qui s’effondrait que celui du Devoir.

D’autant que son sous-titre était lui aussi révélateur :

« One shock away from failing into recession », U.S. economist says.

Ah, évidemment, si c’est un économiste qui le dit...

Je donne