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Cette manchette pourrait illustrer la situation dans laquelle se retrouve le géant des médias sociaux … et demande une explication.

En fait, il y a deux compagnies pharmaceutiques qui utilisent le nom Merck: la première est basée en Allemagne, Merck KGaA, et on la connaît plus simplement sous le nom de Merck à travers le monde, sauf aux États-Unis et au Canada. Dans ces deux pays, la compagnie œuvre sous la raison sociale de EMD, un nom formé des initiales: Emmanuel, Merck, Darmstadt. L'autre Merck œuvre en Amérique du Nord, avec pour raison sociale Merck & Co. Dans le reste du monde, où elle est en compétition avec Merck KGaA, la compagnie est connue sous le sigle de MSD, pour Merck, Sharpe et Dohme.

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La poursuite en question est menée devant la cour suprême de l'État de New York par Merck KGaA qui accuse Facebook d'avoir laissé sa rivale américaine Merck & Co. prendre le contrôle de sa page Facebook. Merck KGaA soutient dans sa poursuite qu'en mars 2010, elle a signé un accord avec Facebook lui donnant les droits exclusifs pour www.facebook.com/merck. Mais maintenant, lorsqu'on accède à ce site, le contenu ne réfère qu'aux activités de Merck & Co., et Merck KGaA n'y a plus d'accès. La poursuite illustre l'importance grandissante des réseaux sociaux comme outils de marketing. C'est d'ailleurs ce que Merck KGaA déclare: «… comme cette page détournée avantage notre concurrent, la situation demande d'être résolue dans les plus brefs délais».

La cause initiale de cet imbroglio remonte à la fin de la Première Guerre mondiale. Le nom Merck, pour sa part, puise son origine en 1668, quand Friedrich Jacob Merck fit l'acquisition de l'Engel Apotheke, la pharmacie de l'ange, à Darmstadt, en Allemagne. En 1827, Heinrich Emmanuel Merck commença à y produire des alcaloïdes aux propriétés pharmaceutiques extraits de plantes. Cette histoire fait de Merck la plus ancienne société pharmaceutique au monde.

En 1891, Georg Merck, le petit fils d'Heinrich Emmanuel Merck, ouvrit une filiale de la société qui avait pour nom Merck & Co. Mais après 1918, dans le cadre des réparations de guerre exigées de l'Allemagne, les actifs de Merck & Co. furent confisqués et l'entreprise devint une entité complètement indépendante. Aujourd'hui, Merck & Co. est une des plus importantes entreprises pharmaceutiques au monde, avec des revenus annuels de 24 milliards de dollars et 74,000 employés à travers le monde. Elle surpasse Merck KGaA qui, elle, affiche des revenus annuels de «seulement» 5 milliards de dollars et qui «ne compte que» 14 000 employés. Il est amusant de noter que, dans l'industrie pharmaceutique, pour distinguer les deux Merck sans avoir à utiliser la terminologie exacte, leurs noms sont prononcés de manière différente. Pour Merck KGaA, on prononce à l'allemande, «mairk», alors que pour Merck & Co., c'est la prononciation américaine qui est utilisée: «meurk».

Il n'est pas clair de qu'elle manière Merck s'est appropriée le site de Facebook. Jusqu'à présent, Facebook se refuse à tout commentaire. Mais il faut dire que Merck a déjà été mise en cause plusieurs fois pour ses pratiques de marketing. En 2008, elle a été reconnue responsable de pratique trompeuse dans la mise en marché de Vioxx, un médicament contre l'arthrite, et a dû payer une amende de 58 millions de dollars. Le médicament lui-même fut retiré du marché en 2004 parce qu'il entraînait des problèmes cardiovasculaires. En fait, on sait aujourd'hui que Merck & Co. était au courant dès 2000 des dangers potentiels associés à son usage. De 2002 à 2005, la filiale australienne de Merck a créé et subventionné une publication, The Australasian Journal of Bone and Joint Medicine. Elle a fait croire qu'il s'agissait d'une publication médicale légitime, alors le but était surtout d'y inclure des articles non révisés par des pairs, mais qui chantaient les louanges de Vioxx. Au Canada, Merck & Co. a fait les manchettes en juillet 2010 lorsqu'elle a annoncé qu'elle abandonnait son dernier centre de recherche au pays. Avec la fermeture des laboratoires de Kirkland, près de Montréal, près de 200 chercheurs qualifiés ont perdu leur emploi. Quant à cette dernière controverse, il reste à voir qui, de «mairk» ou de «meurk», conservera la page Facebook.

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