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Histoire d'une entrevue avec un chercheur qui s'inquiète profondément de ne pas voir la lutte aux changements climatiques devenir un enjeu prioritaire sur la planète Terre.

Thomas Duchaine thomas.duchaine.1@ulaval.ca

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Cet automne, le premier volet du 5e rapport du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) tout frais publié, j’obtenais une entrevue avec le directeur scientifique du réseau ArcticNet, M. Louis Fortier pour en discuter au bénéfice des lecteurs d’Impact Campus. Ce scientifique, professeur au département de biologie de l’Université Laval, et certainement une des autorités les plus en vue au Québec (et possiblement au Canada) sur la question des changements climatiques dans l’Arctique, m’accordait 30 minutes. Joie.

Je savais que les choses allaient mal en matière de climat. D’un côté, un océan Arctique qui pourrait être libre de glace, à la fin de l’été, d’ici 2020, «du jamais vu depuis au moins 3 millions d’années», m’a souligné d’ailleurs M. Fortier. De l’autre, une course aux carburants fossiles qui s’accélère à l’échelle planétaire. Mais, je n’avais pas réalisé que le moral de plusieurs scientifiques était au plus mal.

Irrité de devoir encore et toujours défendre la science du climat, alors que le réchauffement global menace, plus chaque année, les sociétés humaines, M. Fortier m’affirmait : «vous savez, une grande partie de la communauté scientifique a lancé la serviette». Il me soulignait que de plus en plus d’entre eux délaissaient les forums comme le GIEC, las de constater le poids disproportionné des «négationnistes» de l’effet de serre qui réussissent, bon an mal an, à ralentir la mise en œuvre des politiques draconiennes désespérément attendues par la communauté scientifique. «Le GIEC (gangrené par cette situation) est au moins dix ans en retard», m’a lancé le chercheur. Et le scientifique de me dépeindre, lors qu’interrogé sur le portrait du monde à la fin du siècle, une planète en bouleversements sociopolitiques, avec à la solde, des millions de réfugiés climatiques cognant aux portes des pays moins affectés, souvent plus riches.

Pas besoin de vous dire que je me suis senti plus mal, plus l’entrevue avançait. Une fois celle-ci terminée, comme pour m’achever (bien involontairement, soyons clair), M. Fortier m’a posé la question qui tue : «Avez-vous des enfants M. Duchaine» ? Et, moi de répondre : «Non, pas encore». Et lui de conclure : «Et bien réfléchissez bien avant d’en faire».

«Gulp». Un chercheur imminent qui me dit une telle chose, pseudo boutade ou pas, c’est que c’est mal barré. Bref, j’avais prévu aller faire ma transcription d’entrevue sur la terrasse du café Au Temps Perdu, bagel au saumon fumé et pinte de bière en support, en cette chaude après-midi de septembre, peut-être trop chaude à bien y penser… et bien, l’appétit n’y était plus.

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