thumb.jpeg
Puisque nous devons manger trois repas par jour et si l’on considère que l’espérance de vie moyenne d’une personne se situe aux alentours de 80 ans, nous consacrons près de 180 000 heures à nous alimenter dans notre vie. L’acte de se nourrir marque notre quotidien et notre organisation sociale.

Et si la plupart d’entre nous pensent que manger est une affaire d’estomac, il s’agit surtout d’une affaire de tête, comme le rapportait Jean-Pierre Lemasson, professeur à l’UQAM et créateur du certificat en gestion et pratiques socioculturelles de la gastronomie, lors d’une conférence au Collège Montmorency dans le cadre de la Semaine des sciences humaines, du 13 au 19 mars.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Le paradoxe de l’omnivore

L’homme, contrairement à une vache, mange tout et n’importe quoi, alors que le ruminant ne mange que de l’herbe et est donc herbivore. «Une espèce non spécialisée comme la nôtre possède l’avantage de pouvoir bien s’adapter à l’offre alimentaire disponible et de survivre dans toutes les niches écologiques», fait valoir Jean-Pierre Lemasson.

Certes, cette flexibilité alimentaire nous a permis de coloniser la planète entière. Cependant, puisque nous pouvons manger à peu près tout et n’importe quoi, l’inconvénient majeur de ce régime alimentaire est que nous ne connaissons pas tous les aliments que l’on peut manger. C’est ce que l’on appelle le paradoxe de l’omnivore.

«La vache mange de l’herbe et seulement de l’herbe. Elle n’est pas anxieuse à l’idée de manger. Nous, nous pouvons nous demander si la nourriture que l’on s’apprête à ingérer va nous rendre malades, ou même nous tuer. Ce que l’on ne connaît pas nous apparaît dangereux. Cette façon de penser a conditionné notre rapport à la nourriture», explique le professeur.

«Nous avons besoin de manger des aliments qui nous semblent bons. Claude Lévy-Strauss disait que pour qu’un aliment soit bon à manger, il faut qu’il soit d’abord bon à penser», ajoute-t-il.

On ne mange que de la culture

Avec le temps, les êtres humains ont fini par faire la différence entre les bons et les mauvais aliments pour eux, notamment via la transmission de connaissance. Les aliments se sont transformés depuis l’agriculture. Chaque siècle a connu ses innovations alimentaires, souvent par croisement sélectif: des bêtes d’élevage plus grosses, des fruits et légumes plus gros et de meilleurs rendements.

À cause de ces multiples transformations, la nourriture que nous mangeons aujourd’hui n’a rien à voir avec celle que l’on mangeait autrefois. «Nous mangeons des aliments historiquement construits. Différentes règles sont dictées dans chaque société pour la préparation culinaire, que ce soit dans le choix des aliments, leur transformation, leur association et leur façon d’être consommé. Certaines sociétés mangent des insectes, d’autres associent la viande avec le sucré et pas seulement le salé. Bref, on ne mange que de la culture!» s’exclame Jean-Pierre Lemasson.

Marie-Eve Cloutier – Agence Science-Presse - 24 mars 2014

Je donne