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Au Brésil, la piqûre du ballon rond enfièvre les foules depuis la mi-juin. Suffisamment pour faire de l’ombre à une autre piqûre tout aussi exotique, celle de l’Aedes aegypti. Champion du monde de transmission de la dengue, ce moustique risque de vous faire danser la samba sur un rythme plutôt inusité si vous contractez la maladie. Vous ne seriez pas le seul… De quoi monter une version hors saison du Carnaval de Rio. Mais doit-on vraiment craindre une épidémie?

Si le Brésil a déjà été couronné cinq fois champion du monde, il brille aussi par un palmarès un peu moins glorieux: près de 1,47 million de cas confirmés de dengue en 2013 contre 120 000 en 2008 d’après les chiffres de l'Organisation panaméricaine de la santé, le bureau régional américain de l'OMS.

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En prime, des statistiques de meilleur marqueur de la compétition internationale avec 545 morts au tableau l'an dernier. Une pandémie qui fait sourciller les autorités sanitaires du pays au regard des 700 000 touristes venus profiter du spectacle planétaire.

Pour ne rien gâcher de la fête, la FIFA s’est bien abstenue de communiquer sur le sujet. Sur son site Web, on discute ballon et arbitrage, mais certainement pas maladie. N’est pas l’OMS qui veut…

Un indice santé pour vous à la maison: contrairement aux moustiques vecteurs de la malaria, l’Aedes aegypti sort le jour. Et généralement, il a les crocs. À moins que vous n’ayez prévu de sortir avec votre moustiquaire intégrale, il y a de fortes chances que votre peau subisse ses assauts.

À tel point que dans The Lancet Infectious Diseases publié en mai dernier, des chercheurs se sont demandé —sérieusement— si la Coupe du monde pouvait être perturbée par une épidémie de dengue.

À partir d'un modèle mathématique qui tient compte des prévisions météorologiques, des relevés de températures et de précipitations des derniers mois, des cas de dengue recensés ou du taux d'urbanisation, les scientifiques rapportent que Natal, Fortaleza et Recife, trois villes du nord-est du pays où se dérouleront 15 rencontres, présentent les plus grands risques en termes de transmission. En clair : 300 cas de dengue pour 100 000 habitants. À qui la chance ?

Moustique OGM drogués

En préparation de la Coupe du monde, les autorités brésiliennes ont donc pris des mesures sanitaires drastiques. Localement, cela se traduit par une fumigation des rues aux pesticides pour tuer les insectes et leurs larves. Côté bienfaits pour la santé humaine, on repassera. Sans parler du phénomène de résistance à l’insecticide… À ce volet chimique s’ajoute celui de la prévention : éliminer les eaux stagnantes pour limiter les zones de reproduction des moustiques. Une mesure délicate à mettre en place avec les précipitations diluviennes qu’ont connues certaines villes-hôtes ces dernières semaines.

Opportuniste, Oxitec, une entreprise britannique, a donc phosphoré pour les Brésiliens et leur propose, rien de moins, leur chef d’œuvre: des moustiques Aedes aegypti mâles génétiquement modifiés pour réduire la population d’insectes porteurs de la maladie.

Wow, dites-vous. Calmez-vous, on parle business ici. Oxitec est réputé pour son cousinage avec le géant de l’agrochimie Syngenta, chantre de l’OGM toua azimuts, et, a priori, la philanthropie ne fait pas partie de leur plan de match au Brésil.

En fait, le moustique customisé d’Oxitec se décline en version junkie, un accro à la tétracycline (dépendance obtenue par l’introduction d’un gène). Sans son fix de cet antibiotique, il meurt sans passer par la case désintox.

Élevés dans un laboratoire brésilien avant d’être libérés en milieu sauvage, les moustiques OGM se reproduiront avec des femelles non OGM. Leur descendance, porteuse du gène de la dépendance, n’aura que peu de chances de survie en l’absence de sa dose d’antibiotiques. Une régulation des naissances version moustique en quelque sorte. Du moins en théorie.

Des risques?

Malgré les 17 millions de moustiques dispersés au Brésil entre 2011 et 2012 pour des tests locaux, les données manquent pour mesurer notamment la mortalité réelle des insectes sevrés. D’après Oxitec, 3% de moustiques OGM survivent même en l’absence de tétracycline. Et pour les toxicos invétérés, ils pourront toujours s’abreuver dans les eaux polluées: la tétracycline y est toujours présente, car largement utilisée pour l’élevage de bovins et de volailles. De quoi favoriser la survie de moustiques porteurs de mutations.

L'agence de surveillance sanitaire brésilienne, qui n’a pas encore donné son feu vert pour la libération d’insectes à grande échelle, s’inquiète d’un autre phénomène (non documenté): l’éradication de l'Aedes aegypti pourrait se faire au profit du moustique-tigre (Aedes Albopictus), généreux vecteur des virus de la dengue et du chikungunya. Ouch!

Consolez-vous: l’hiver n’est pas la plus grosse saison pour la dengue au Brésil. À vrai dire, la grippe (transmise d’humain à humain, contrairement à la dengue), l’hépatite A, la rougeole ou la méningite menacent plus votre prochaine passe de samba. Pas de quoi vous rendre dengue…

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