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Oubliez vos pensées les plus salaces et vos commentaires à caractère sexuels, ici on parle d’antibiotiques et de bétail. Loin de refouler toute sexualité bucolique, mettez donc vos bottes et venez vous immerger dans les porcheries hollandaises et danoises. Là-bas, la réduction de l’utilisation des antibiotiques a fait ses preuves.

Les fermiers hollandais le répètent à l’envi: «nous, humains, n’avons pas besoin de prendre des antibiotiques tous les jours, alors il n’y a aucune raison pour qu’il en soit autrement avec nos cochons». Un mantra comme une évidence, n’en déplaise aux Nord-américains toujours réticents à franchir le pas.

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Les statistiques confirment cette peur viscérale de la maladie à venir. Aux États-Unis, le bétail destiné à la consommation reçoit plus de 13,4500 tonnes d’antibiotiques par an (rapport FDA, 2011). En prévention (et pour l’engraisser). Pendant ce temps, ses habitants en consomment près de 9 à 10 fois moins pour se soigner!

De l’autre côté de l’Atlantique, on apprivoise les statistiques d’une autre manière. Depuis 2009, les fermiers hollandais ont réduit leur utilisation d’antibiotiques de 50% sans compromettre la qualité de vie des animaux ou leurs profits, rappelle la journaliste Maryn McKenna dans un récent article publié dans Modern farmer .

Un chiffre qui devrait interroger les pratiques de plus d’un fermier dans le monde. Si les Hollandais sont capables de le faire sans mettre en péril leurs entreprises agricoles, d’autres pays en sont capables. Les États-Unis en tête. Et, rangez tout de suite le sempiternel argument : petit pays, la Hollande n’est pas comparable à nos voisins du Sud.

Le pays compte 17 millions d’habitants pour… 118 millions animaux de ferme! De quoi le propulser premier exportateur européen de viande. Entre 2007 et 2012, les ventes d’antibiotiques (notamment les classes les plus critiques), autorisés seulement après une inspection vétérinaire, y ont chuté de 56%. Le rapport néerlandais de 2013 sur l’usage des antibiotiques chez les animaux montre des taux de résistance bactérienne en déclin chez les porcs, les veaux, les poulets et les bovins laitiers.

Chez l’humain, les infections résistantes aux antibiotiques ne sont plus en augmentation en Hollande et commencent même à décliner notamment pour la bêtalactamase à spectre étendu (BSLE). Pas de quoi établir des liens de cause à effet, mais ces progrès sont encourageants.

Le cas du Danemark

La révolution dans la gestion du bétail danois débute dans les années 1990 et 2000. Leader mondial de l’exportation de porcs, le pays choisit de bannir dès 1999 toute utilisation d’antibiotiques à titre préventif (usage non thérapeutique). En 1995, les décideurs avaient déjà limité les profits que pouvaient tirer les vétérinaires de la vente d’antibiotiques.

Et contrairement à ce que s’évertuent à clamer les chantres de la production de viande sous intraveineuse, la réduction de l’utilisation d’antibiotiques n’a pas tué la sacro-sainte productivité. Entre 1992 et 2008, l’utilisation a été réduite de plus de 50 %, alors que la production danoise est passée de 18,4 à 27,1 millions de têtes de porc!

Aux États-Unis, certains groupes d’activistes et experts en santé publique rêvent en secret de disposer de données chiffrées de qualité danoise. Dans ce pays scandinave, un registre permet de savoir qui a administré quelle quantité d’antibiotique à quel animal! Du côté des États-Unis, les seules données collectées concernent les ventes: quantité totale d’antibiotiques utilisés sur les animaux à l’échelle du pays. La ventilation peut se faire par classe d’antibiotiques. Un luxe…

Malheureusement, les tentatives législatives pour une surveillance serrée et la collecte de données pertinentes ont été plombées par les jeux de coulisse politique des lobbys de la viande. Ainsi, le Preservation of Antibiotics for Medical Treatment Act, le Preventing Antibiotic Resistance Act et le Delivering Antimicrobial Transparency in Animals Act sont morts au feuilleton en toute discrétion.

Le prix à payer

Pendant que les Nord-Américains traînent du pied, le ministère de l’agriculture hollandais envisage de réduire encore de 30% l’usage des antibiotiques dans les fermes d’élevage. Une étape difficile qui implique de facto la participation du consommateur. Celui devra accepter de payer un peu plus sa viande, car qui dit nouvelle réduction dit réaménagement des espaces d’élevage et adaptation de la nourriture du bétail.

Au Danemark, depuis l’interdiction de l’usage des antibiotiques en prévention, le coût de l’élevage a augmenté d'un euro par animal, de sa naissance à son abattage. Un prix dérisoire à répercuter dans l’assiette d’un consommateur, prêt —on l’espère— à sortir quelques sous de plus pour lutter contre la résistance bactérienne.

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