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ALBUQUERQUE, Nouveau-Mexique - Je suis allé visiter des blogues de science vieux d'un millier d'années.

Bon, je vous entend d'ici, vous allez vouloir chipoter sur des détails. Un blogue de science, ça ne serait pas supposé s'écrire sur de la pierre? Très bien, alors si vous y tenez, considérez plutôt que ces milliers de pétroglyphes -c'est leur nom- qu'on trouve aux quatre coins du sud-ouest des États-Unis, constituaient leur Facebook de l'époque. Ils étaient internationaux, puisque les illustrations sont les mêmes sur les territoires de plusieurs nations amérindiennes (Pueblos, Hopis, Tewas et d'autres), couvrant à peu près les années 500 à 1300.

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Ou encore, pourquoi ne pas y voir l'Instagram de l'époque? Après tout, les images les plus fréquentes sont celles d'animaux. Imaginez s'ils avaient eu des chats...

Les historiens, les dépliants touristiques, les panneaux explicatifs, le répètent: ces dessins s'appellent pétroglyphes parce qu'ils ne sont pas un alphabet - au contraire des hiéroglyphes, notamment ceux d'Egypte. On trouve des pétroglyphes un peu partout dans le monde, mais ceux de cette région sont particuliers par leur grand nombre, leur variété -et leur contexte: les plus récents ont été dessinés par les mêmes cultures qui étaient là quand les Espagnols ont débarqué.

Même si tout le monde s'entend pour dire qu'il ne s'agit pas d'une écriture, ça semble diablement en être une première ébauche, considérant combien ces images se répètent d'un endroit à l'autre: des humains qui dansent, des oiseaux, des serpents, le soleil... Même des figures géométriques ou abstraites dont la signification nous reste inconnue se répètent à des centaines de kilomètres de distance.

Et surtout. En marchant dans ce canyon Boca Negra du Monument national des pétroglyphes, près de la ville d'Albuquerque, au Nouveau-Mexique, impossible de ne pas croire en une motivation des auteurs: s'afficher. Être vus. La concentration de dessins sur la falaise la mieux exposée au soleil dit: regardez-moi.

Ces gens, clairement, voulaient communiquer: peu importe que ce soit aux esprits, à leurs compatriotes ou aux visiteurs de passage. Ce n'étaient pas des experts s'adressant à d'autres experts: s'ils l'avaient voulu, ils auraient pu graver tout cela au fond de grottes, accessibles seulement à leurs pairs.

Ici, dans cet environnement semi-désertique, il y a un millier d'années, il n'y avait pas d'alphabet, pas de pharaons ou d'empereurs, juste des groupes qui commençaient tout doucement à passer du mode de vie nomade à celui des premiers villages et donc, à ce que nous appelons des sociétés plus complexes. Ces gens ont pris la parole parce qu'ils sentaient, au plus profond d'eux-mêmes, le besoin de transmettre leur savoir, ou leurs complaintes, ou leurs rêves. S'ils étaient téléportés en 2014, à défaut de comprendre notre technologie, ils n'auraient aucun mal à comprendre les motivations de ceux qui, un millier d'années plus tard, tiennent eux aussi à communiquer pour le plus grand nombre.

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