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Dans un rapport publié le 26 août, l’Organisation mondiale de la santé juge qu’il est temps de réglementer l’usage de l’e-cigarette notamment en l’interdisant dans les espaces publics fermés où le tabac est déjà prohibé. Aux États-Unis et au Canada, de telles mesures se mettent en place. Localement du moins. Au niveau national, c’est le vide sidéral… ou le grand écart.

Établie par une centaine de scientifiques et de législateurs, cette recommandation a le mérite de clarifier les choses : on ne sait toujours pas aujourd’hui si le contenu de l’aérosol exhalé n’est pas dangereux pour les personnes alentour. Comme le rappelle justement l’organisme onusien, « ce n’est pas de la simple “vapeur d’eau” comme l’affirment trop souvent les fabricants de ces produits ».

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Promouvoir un produit inoffensif (selon l’industrie) a ses avantages. Sonnants et trébuchants. En neuf ans, la cigarette magique a généré près de 3 milliards de dollars et s’est déclinée sous 400 marques aux contrôles qualité parfois médiocres.

Griller la jeunesse Derrière l’écran de fumée pseudo-sanitaire du type « pour arrêter de fumer, passez à l’e-cig! », les fabricants ont préparé l’invasion des marchés adolescents. Rien qu’aux États-Unis, le Centers for Disease Control and Prevention rapporte en août que plus d’un quart de million de jeunes ont utilisé des cigarettes électroniques l’an dernier alors qu’ils n’ont jamais fumé de cigarettes traditionnelles. Un nombre qui a triplé entre 2011 et 2013. Inquiétant.

En avril dernier, la Food and Drug Agency (FDA) intervient et déclare qu’elle veut bannir la vente des e-cigarettes aux mineurs. Un bel effet d’annonce. Aujourd’hui, la FDA autorise toujours les fabricants à vendre des e-cigarettes aux saveurs de fruits, d’épices ou de bonbons. Des produits qui cartonnent auprès de la jeunesse.

À croire que l’organisme a un passé de gymnaste professionnel. Le grand écart, elle connaît. En 2009, elle interdit les cigarettes parfumées prétextant que cela incite les jeunes à fumer. Et les e-cigarettes, alors?

Autre casse-tête en vue : la FDA autorise la publicité pour les e-cigarettes dans des médias comme la télé ou les magazines où la promotion du tabac est interdite. En plus d’être souple du bassin, la FDA est schizophrène.

La revue Pediatrics rapportait d’ailleurs en juin que l’exposition des jeunes à des publicités pour des cigarettes électroniques avait augmenté de 256 % entre 2011 et 2013. Des annonces où le recours à des vedettes suggère que l’e-cigarette a un côté cool.

Si le diagnostic penche pour un dérangement mental de la FDA, ses bonnes intentions ont peut-être été gommées de l’intérieur par des fonctionnaires un peu trop zélés de l’administration Obama. L’industrie du tabac a les coudées franches au Congrès et ne lésinent pas sur les moyens : 132 millions de dollars dépensés en lobbying depuis 2009 selon the Center for Responsive Politic. De quoi favoriser le statu quo législatif.

Et pendant ce temps-là, au Canada… Les e-cigarettes relèvent directement de Santé Canada et les règles sont claires depuis 2009 : la publicité et la vente de cigarettes électroniques qui contiennent de la nicotine ou font état d’allégation santé ne se conforment pas à la Loi sur les aliments et les drogues et sont donc illégales. Des avertissements qui n’effraient ni les vendeurs en lignes ni les magasins à travers le pays. La cigarette électronique est partout.

D’ailleurs, on se demande pourquoi les cigarettes électroniques ne sont pas encore assujetties à la Loi sur le tabac. La direction de santé publique du Québec abonde dans ce sens.

Devant l’inaction fédérale, des villes prennent les devants. En juin, Reed Deer en Alberta interdisait les cigarettes électroniques dans des endroits publics où le tabac est déjà prohibé comme les cafés, les restaurants ou près des terrains de jeux. Un peu à la manière de New York, Los Angeles, Boston et Chicago. À la fin août, Toronto faisait de même pour les lieux de travail de la ville tout en demandant entre autres à l’Ontario d’interdire la vente d’e-cigarettes aux mineurs. La Nouvelle-Écosse envisage d’étudier l’interdiction des e-cigarettes lors des travaux parlementaires d’automne.

Au train où vont les choses, le cowboy Marlboro n’est pas prêt de se griller une e-cig tranquille. Une chance, il lui reste le timbre à la nicotine ou la Nicorette.

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