1379359_max.jpg
Certains se traînent les fesses, d'autres roulent sur eux-mêmes et la majorité marche à quatre pattes. Avant de pouvoir marcher, la quasi-totalité des petits trouve une façon de se déplacer pour explorer le vaste monde. On sait cependant que 7% des bébés vont choisir de marcher immédiatement sur deux jambes plutôt que d'essayer des modes de transport alternatif. Ce comportement non conventionnel suscite beaucoup de controverses: la marche à quatre pattes est-elle essentielle au bon développement des enfants?

Les experts croient maintenant que le développement moteur et le développement cognitif sont intimement liés. En effet, l'apparition de nouvelles habiletés motrices offre au tout-petit des opportunités de découvrir le monde et donc de pratiquer la communication. Les scientifiques ont d'ailleurs remarqué que les étapes du développement du langage sont synchronisées sur celui du mouvement.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

La Dre Dominique Cousineau, médecin spécialisée dans le développement des enfants à l'Hôpital Sainte-Justine, discute de cet aspect en général et de la marche à quatre pattes en particulier, dans un article publié dans la revue Coup de pouce. Selon elle, la marche à quatre pattes crée de nouvelles connexions nerveuses dans le cerveau pour remplacer celles plus primitives qui étaient, jusque là, responsables des réflexes. Le bébé apprend également à balayer l'horizon du regard, ce qui contribuerait à améliorer sa vision latérale à grand angle. Marcher à quatre pattes favoriserait aussi une meilleure coordination et permettrait au côté gauche et au côté droit de travailler ensemble.

Selon Dre Cousineau, certains chercheurs prétendent que le mouvement au sol est essentiel pour le développement moteur bien sûr, mais également pour celui du langage, de la dextérité manuelle, du toucher, de l'audition et de la vision. Ceux-ci feraient même une association entre cette stratégie pour se déplacer et l'apprentissage de la lecture. Cette hypothèse serait toutefois controversée, souligne Dre Cousineau.

Sally Goddard Blythe de l'Institute of Neuro-Psychological Psychology fait partie de ces scientifiques convaincus de l'importance d'encourager les enfants à marcher à quatre pattes, selon The Telegraph. Le journal cite également Christine MacIntyre, une autre experte, qui fait référence à des recherches ayant observé un lien entre les difficultés à écrire et le fait de n'avoir jamais marché à quatre pattes. Certains blogueurs font aussi mention des résultats de Pavlidis, publiés en 1987, dans le livre Dyslexia Research and Its Applications to Education.

Toutefois, lorsqu'on commence à chercher dans la littérature scientifique, on remarque vite qu'il n'existe pas d'articles dans les journaux scientifiques révisés par les pairs qui appuient cette théorie. En fait, deux projets de recherches ont comparé les différents modes de déplacement précurseurs à la marche. L'un, paru en 1989, arrive à la conclusion que le type de locomotion utilisé par l'enfant n'a pas d'impacts négatif sur le développement psychomoteur et langagier. L'autre, qui date de 1992, observe même que les enfants souffrant de retards mentaux qui ont marché directement sans ramper sont plus avancés à tous les niveaux que les autres enfants dans la même situation. Ils concluent donc que marcher à quatre pattes n'est pas un prérequis pour le développement des fonctions cognitives.

De plus, les observations de certains anthropologues remettent également en doute l'idée qu'il est essentiel de marcher à quatre pattes. Selon la revue Scientific American, le chercheur David Tracer a étudié une société de chasseurs-cueilleurs, les Au de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il a remarqué que les enfants de cette communauté ne rampent jamais, car ils sont portés environ 86% du temps. Lorsque leur mère les dépose, c'est toujours en position assise. Résultat: avant de marcher, les petits se traînent les fesses pour se mouvoir. Les Au croient d'ailleurs que c'est LA manière dont les bébés se déplacent à travers le monde.

Selon l'anthropologue, des communautés au Paraguay, au Mali et en Indonésie se comportent de la même façon. Il rappelle aussi que les chimpanzés et les gorilles déposent très rarement leur bébé par terre. En fait, dans l'environnement des sociétés traditionnelles ou des animaux, le fait de ramper augmente de façon significative le risque de gastro-entérite. C'est ce qui fait dire à David Tracer que les bébés qui rampent sont vraisemblablement la dernière mode dans l'histoire de l'humanité.

En bref, le développement moteur et la capacité à se déplacer influencent fort probablement l'intelligence et le langage. Cependant, la façon dont un bébé décide de se rendre du point A au point B n'est de toute évidence pas critique. Le débat autour de la marche à quatre pattes a l'avantage de nous rappeler que nous avons tendance à juger du développement des enfants en nous basant exclusivement sur des enfants occidentaux ayant grandi dans les 50 dernières années et que cet échantillon n'est probablement pas représentatif de l'ensemble des enfants humains.

- Ce texte a d'abord été publié sur le site Maman Éprouvette.

Je donne