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Le 19 février dernier, dans les pages du New York Times, Oliver Sacks, neurologue et auteur d’une douzaine d’ouvrages ayant fait connaître la complexité du cerveau humain à un large public, écrivait en quelque sorte ses adieux.

Douze ans après l’ablation d’un mélanome oculaire qui l’avait rendu aveugle d’un œil, des métastases se sont développées dans le tiers de son foie, ne laissant cette fois à l’homme de 81 ans que l’espoir d’allonger les mois qui lui restent à vivre.

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Ceux et celles qui, comme l’auteur de ces lignes, ont pris conscience de la richesse de ce que peut vouloir dire «être humain» à travers l’étrangeté des troubles neurologiques décrits par Sacks dans ses ouvrages seront à coup sûr touché.es en lisant cet article intitulé simplement «My Own Life».

C’est le cas de Jean Claude Ameisen qui, dans son émission radiophonique Sur les épaules de Darwin de samedi dernier, rend hommage à Sacks en lisant entre autres de larges extraits en français de «My Own Life». Inutile de dire que ces mots de Sacks prononcés par la voix chaude et intime d’Ameisen ont quelque chose de particulièrement émouvants. Ameisen dont le talent de conteur le rapproche d’ailleurs de Sacks, qui lui-même considérait son style littéraire dans la tradition des «anecdotes cliniques» remontant au XIXe siècle, citant le psychologue russe Alexander Luria comme source d’inspiration.

La vie de Sacks est en elle-même fascinante du point de vue neurologique, étant atteint de prosopagnosie, c’est-à-dire d’une grande difficulté à reconnaître les visages. En 2009, il a également perdu sa vision stéréoscopique suite à l’opération à son œil, épisode qu’il relate dans son livre The Mind’s Eye. Sans parler de ses expérimentations fondatrices avec différentes drogues décrites dans son livre Hallucinations, ce qui l’avait convaincu d’écrire sur ces différentes façons «d’être au monde» alors qu’il était encore étudiant gradué en Californie (avant de venir à New York où il a vécu par la suite).

De son premier livre coup de poing Awakenings (L’éveil, en français) sur l’utilisation de la L-Dopa pour traiter des personnes victimes de séquelles d'encéphalite léthargique (adapté au cinéma en 1990 dans le film du même nom avec Robert De Niro et Robin Williams), à L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau sur les agnosies visuelles, jusqu’à Un anthropologue sur Mars, Sacks montre comment les dissociations parfois sévères des patients qu’il décrit ne les empêchent pas de s’adapter et de vivre dans un monde passablement différent du nôtre.

Sur l’unicité de chaque être humain, que l’on ait ou pas une «condition neurologique», je vous laisse avec les très belles considérations de Sacks à la fin de son article de février dernier (voir Ameisen pour le français…):

There will be no one like us when we are gone, but then there is no one like anyone else, ever. When people die, they cannot be replaced. They leave holes that cannot be filled, for it is the fate —the genetic and neural fate— of every human being to be a unique individual, to find his own path, to live his own life, to die his own death. I cannot pretend I am without fear. But my predominant feeling is one of gratitude. I have loved and been loved; I have been given much and I have given something in return; I have read and traveled and thought and written. I have had an intercourse with the world, the special intercourse of writers and readers. Above all, I have been a sentient being, a thinking animal, on this beautiful planet, and that in itself has been an enormous privilege and adventure.

Les liens:

My Own Life Sur les épaules de Darwin: Voyage avec Oliver Sacks Oliver Sacks, M.D. i_lien Oliver Sacks (Wikipedia) Alexander Luria (Wikipedia) Prosopagnosia: Oliver Sacks' Battle with "Face Blindness"

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