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Ce n’est plus la menace idéologique du communisme qui effraie l’Occident, ni l’invasion des extraterrestres ou l’hiver nucléaire. Depuis le début des années 2000, c’est le zombie qui fait frémir l’imaginaire. Avec 155 titres en 20 ans, la Zombie Movie Database répertorie les morts-vivants au grand écran. De nombreux jeux vidéo confrontent les joueurs à des hordes de zombies affamés de chair humaine.

Le zombie envahit aussi la littérature, la bande-dessinée, les séries télé et l’art visuel. Sa plus récente contamination? Les universités.

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Selon The Wall Street Journal, les campus américains notent une forte croissance des «zombies studies». Au cours des cinq dernières années, 20 livres savants sont parus sur le thème et une quarantaine de revues scientifiques avaient publié des réflexions sur le mort-vivant. De son côté, le site academia.edu recense pas moins de 1983 articles savants sur les zombies. « Qu’il effraie, qu’il dégoute ou qu’il fasse rire, le zombie constitue à n’en pas douter un objet d’étude riche et pertinent, souvent plus complexe qu’on pourrait d’emblée le croire», écrit Jérôme-Olivier Allard dans Angles morts, différents regards sur le zombie, collectif paru il y a quelques mois aux Éditions XYZ.

Lui-même auteur d’un mémoire sur le zombie déposé à l’UQAM, il a contribué à l’envahissement en organisant avec des collègues de l’Université de Montréal, un grand colloque sur la question à l’ACFAS en 2012. «Comment expliquer cet engouement du public pour le mort-vivant anthropophage? Et comment s’expliquer des phénomènes comme les Zombie Walks, ces manifestations pacifiques (à teneur politique ou simplement ludique) où des participants, notamment en marge du mouvement Occupons Wall Street, se déguisent et marchent comme des zombies?» C’est ce qui a poussé les participants à procéder à une autopsie du zombie.

En dépit de l’aspect risible de cette figure caricaturée à l’extrême, et qui peut être d’un très mauvais goût, le zombie est l’incarnation de l’horreur pour l’Amérique : le terroriste aux apparences de bon citoyen qui éclate un jour avec ses bombes. «Le zombie est la figure symbolique de ces ennemis intérieurs qui peuvent nous contaminer. Ils sont présents autour de nous. Ils peuvent être des parents, des amis», me disait Simon Harel, professeur de littérature comparée, peu avant le colloque de 2012.

Si la naissance du zombie comme vedette de cinéma remonte à La nuit des morts-vivants, de George A. Romero, en 1968, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 marquent la relance officielle de cette figure postmoderne.

S’il témoignait du désespoir qui s’est installé depuis quelque temps dans l’esprit humain? Après tout, l’esprit de mort reflète aussi la consternation que soulèvent certains événements tragiques survenus au cours des dernières années, ceux-là bien réels. «Des policiers de Miami ont dû abattre de plusieurs coups de feu un homme enragé qui venait de dévorer le visage d’un itinérant; un homme du New Jersey s’est poignardé avant de lancer des morceaux de ses intestins sur des policiers; un étudiant du Maryland a reconnu avoir mangé le cœur et le cerveau d’un corps dépecé; à Montréal, l’ancien acteur porno Luka Rocco Magnotta aurait tué et démembré un étudiant d’origine chinoise avant de s’adonner à des actes de nécrophilie et de cannibalisme», relate Jérôme-Olivier Allard dans son chapitre.

À défaut de combattre l’invasion des zombies, peut-être que les savants nous aideront à mieux comprendre ce qu’ils représentent.

Mathieu-Robert Sauvé

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