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L’initiative lancée l’an dernier par les auteurs Patrice Cazeault et Amélie Dubé pour stimuler la vente de livres québécois a été couronnée de succès le 12 août 2015. Les grands médias ont relayé l’idée d’acheter un livre d’ici qui, à peu de frais grâce aux réseaux sociaux, a fait plus pour stimuler l’industrie que n’importe quelle campagne publicitaire. Elle a pourtant mis en lumière une lacune de l’élite culturelle qui chronique, critique et débat sur l’édition: son ignorance en matière de science.

De Radio-Canada à Métro en passant par le Journal de Montréal et bien d’autres, on a dressé des listes des « incontournables » où Michel Tremblay, Dany Laferrière, Nelly Arcand, Anne Hébert, Hubert Aquin se retrouvent immanquablement avec quelques nouvelles plumes comme Nicolas Dickner ou Jocelyne Saucier. Mais la culture scientifique, là-dedans? Dans la liste des « 100 livres d’ici qu’il faut lire une fois dans sa vie », dressée par l’équipe de Plus on est de fous, plus on lit, seuls trois ouvrages parmi les rares essais peuvent relever de cette catégorie (Le pays renversé de Denys Delâge; Petit cours d’autodéfense intellectuelle de Normand Baillargeon; L’équilibre sacré de David Suzuki). Avez-vous oublié Marie-Victorin, Pierre Dansereau, Louis-Edmond Hamelin, Fernand Dumont, Hubert Reeves?

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Au cours de la dernière année, les éditeurs québécois ont publié comme jamais des livres d’une très grande qualité écrits par des vulgarisateurs exceptionnels. Je pense à Les acteurs ne savent pas mourir du Dr Alain Vadeboncoeur; Le petit Borde , rédigé par l’une de nos meilleures journalistes scientifiques, Valérie de son prénom; Ce que les chimpanzés m’ont appris de Daniel Paquette; les Carnets insolites de Stéphane Durand; Histoire de la médecine au Québec de Denis Goulet et Robert Gagnon. Normand Mousseau, physicien, a aussi beaucoup contribué à la compréhension publique des enjeux énergétiques au cours des dernières années.

C’est pour donner un peu de lumière à ce volet méconnu de l’édition québécoise qu’a été mis sur pied le Prix Hubert-Reeves, en 2010, par des bénévoles de l’Association des communicateurs scientifiques du Québec. Une trentaine de livres ont été soumis à la dernière édition, dont le tiers sont destinés aux jeunes. Ce nombre, je le souligne, est bien en deçà de la totalité de ce qui se publie au Canada français. Prenez les Éditions du CHU Sainte-Justine dont le catalogue complet est dédié à la médiation scientifique. On y traite de santé mentale, de nutrition, de pédagogie et de développement de l’enfant (une vingtaine de titres par an). Jean-Marc Gagnon, fondateur de MultiMondes avec Lise Morin, a consacré toute sa carrière à l’édition scientifique; cela correspond à plus 190 titres. Chez Bayard, les ouvrages de l’équipe des Débrouillards s’additionnent d’une année à l’autre. L’hyperactif Jacques Goldstyn sait illustrer la génétique, la technologie et une foule de thèmes à travers une œuvre incomparable qui forme les lecteurs de demain. Sans parler des presses universitaires qui servent les académiciens à coup de PUM, PUL, PUQ.

L’an dernier, le prix Hubert-Reeves a été remis aux auteurs d’un ouvrage absolument magnifique et qui est passé inaperçu chez nos chroniqueurs littéraires : L’Apparition du Nord – selon Gérard Mercator de Louis-Edmond Hamelin, Stefano Biondo et Joël Bouchard (Septentrion). Pure merveille… confidentielle.

La littérature permet de comprendre le monde et de divertir les lecteurs. Mais ce sont des livres de science qui font progresser les idées. La culture humaine serait bien pauvre sans Physica d’Aristote, De Revolutionibus Orbium Coelestium de Nicolas Copernic, Philosophiae Naturalis Principia Mathematica d’Isaac Newton (1687), Dialogue sur les deux grands systèmes du monde de Galileo Galilei ou L’origine des espèces de Charles Darwin. Mes incontournables québécois à moi : la Flore laurentienne du frère Marie-Victorin, Patience dans l’azur d’Hubert Reeves et les livres de Jean Léveillé sur les oiseaux (Les oiseaux et l’amour, Les oiseaux gourmands, Drôles d’oiseaux, Oiseaux explorateurs). Liste non exhaustive.

En 2016, pourquoi pas une journée « J’achète un livre québécois de science »?

Mathieu-Robert Sauvé

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