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On a longtemps considéré le cortex moteur comme la région cérébrale donnant les commandes de nos mouvements volontaires. Et connaissant la plasticité générale du cortex, on n’avait pas de difficulté à croire que des changements déterminants dans la connectivité des neurones de cette région pouvaient se produire lors d’apprentissages moteurs. Sans invalider cette possibilité, une étude publiée en mai dernier dans la revue Neuron nous force à reconsidérer cette primauté du cortex moteur dans les séquences de mouvement apprises, du moins chez le rat.

L’expérience de Risa Kawai et ses collègues consistait à apprendre à des rats à presser un levier deux fois de suite pour obtenir une goutte de liquide sucré. Mais pas n’importe comment : un intervalle d’environ 700 millisecondes entre les deux pressions donnait en effet les gouttes les plus grosses, et les rats apprenaient à espacer leur pression de cette durée au bout d’un mois d’entraînement.

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Pas tous les rats cependant. Car Kawai avait d’abord divisé ses rats en deux groupes et avait enlevé chirurgicalement le cortex moteur aux rats du premier groupe. Ceux-là n’ont jamais réussi à apprendre l’espacement optimal entre les deux pressions. Là où l’expérience devient toutefois fort intéressante, c’est avec l’autre groupe de rats qui eux ont eu une ablation du cortex moteur mais APRÈS avoir appris la tâche au bout d’un mois. Sitôt remis de l’opération, ils étaient capables à nouveau de presser le levier avec le bon intervalle de temps !

Cela veut donc dire que la trace de cet apprentissage procédural ne se trouvait pas dans le cortex moteur puisque l’animal conservait le comportement appris sans cette structure cérébrale. Où étaient donc passées ces traces ? Il faut ici rappeler que de nombreuses autres régions du cerveau sont impliquées dans nos mouvements. Le thalamus, le cervelet , le tronc cérébral et les noyaux gris centraux , par exemple. Ces derniers étaient d’ailleurs déjà reconnus comme des candidats de choix quant à l’automatisation des séquences de mouvement.

Ce que cette étude vient spécifier, c’est un rôle possible de « tuteur » du cortex moteur dans le processus d’automatisation pris éventuellement en charge totalement par les noyaux gris centraux. Autrement dit, le cortex moteur aide au moment d'apprendre une nouvelle séquence motrice, mais ensuite il n'est plus nécessaire.

Cela n’est pas sans rappeler une dynamique semblable qui s’observe entre deux autres structures cérébrales, mais cette fois-ci en rapport avec la mémoire sémantique , cette mémoire aussi appelée déclarative parce qu’on peut utiliser le langage pour évoquer nos souvenirs biographiques ou nos connaissances sur le monde. En effet, plusieurs études dont le cas fameux du patient H.M. ont montré que les gens qui ont perdu complètement leurs deux hippocampes cérébraux conservent tout de même leurs souvenirs très anciens, même s’ils ne sont plus capables de stocker de nouvelles informations plus de 5 ou 10 minutes dans leur mémoire sémantique, conséquence de la destruction des hippocampes.

On observe donc encore une fois une prise en charge, cette fois probablement par différentes régions corticales, d’un type d’apprentissage guidé en situation normale par l’hippocampe, un peu comme le cortex moteur semble guider un nouvel apprentissage procédural. Il ressort de tout cela une vision plus collaborative des différentes régions cérébrales qui nous éloigne encore de l’existence de tout « centre » de quoi que ce soit dans le cerveau.

i_lien The Departure of Skill Memories from Motor Cortex: Deeper Directions for Neuroscience a_expMotor cortex is required for learning but not for executing a motor skill.

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