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Le 5 décembre 2015, Jimmy Diamond Shecanapish (32 ans), et Job Neslon Guanish (23 ans), ont péri dans un bête accident à Montréal. La galerie où ils se trouvaient avec un autre homme, à Lachine, a cédé sous leur poids. La chute, d’une hauteur de cinq étages, a été fatale pour eux ; le troisième reposait à l’hôpital, aux dernières nouvelles, dans un état critique.

J’ai côtoyé Jimmy et Job pendant une douzaine de jours alors que je me suis joint à la marche Innu Meshkenu l’hiver dernier. Ils faisaient partie d’un groupe de Naskapis partis avec d’autres membres des Premières nations et inuits de Shefferville, à pied, vers Kuujjuaq. Une trentaine de marcheurs ont pris part à cette expédition de plus de 475 kilomètres qui s’est avérée particulièrement difficile en raison des conditions climatiques extrêmes. Pour le leader de ce «Compostelle autochtone», le chirurgien innu Stanley Vollant, que je connais bien pour avoir écrit sa biographie, cette étape a été, de loin, la plus éprouvante de tout son périple entamé en 2010.

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Le drame qui a frappé les deux marcheurs revêt un caractère particulièrement ironique compte tenu du fait qu’ils avaient surmonté de multiples épreuves personnelles avant de se diriger vers Montréal pour entreprendre des études en vue d’une nouvelle orientation professionnelle. Dans les dizaines de lettres de condoléances présentées aux familles endeuillées sur les réseaux sociaux à la suite du drame, on mentionne à plusieurs reprises le caractère aimable et pacifique des deux victimes. Pour les Naskapis, c’est un Noël particulièrement triste qu’on se prépare à célébrer, car la mort de ces deux gaillards assombrira certainement la lumière des sapins. Au dernier recensement, les Naskapis comptaient 586 habitants. À l’échelle du Québec, c’est comme si un accident enlevait d’un coup 2000 vies.

Dans les mini-villages qui s’élevaient chaque jour à mesure que le groupe de nomades avançait en toundra forestière, les Naskapis faisaient flotter leur drapeau devant leur tente. Pour être précis, leur drapeau indiquait Kawawachikamach, le nom de leur Terre réservée créée en 1978 par la Convention du nord-est québécois. Dans les faits, il s’agit d’une réserve de 41 km2 où, comme dans de nombreuses communautés autochtones isolées, les problèmes de santé dus à la pauvreté, la malnutrition et la sous-scolarisation génèrent des drames divers.

Pourtant, la nation demeure fière de son identité et cette fierté était manifeste à chaque fois que nous nous réunissions dans un cercle de parole, autour du feu. Les marcheurs naskapis étaient heureux de retrouver, le temps d’un hiver, les traces de leurs ancêtres qui jadis suivaient les hardes de caribous. Je n’oublierai jamais l’émotion collective qui a jailli du groupe aux abords de la rivière Kosoak, lorsqu’il a aperçu Kuujjuaq après un mois de marche.

Bien avant de souligner la naissance du messie chrétien, rappelons que le 25 décembre était la fête de la lumière. Cette fête marque le retour du soleil dans notre hémisphère. Les jours s’allongeront jusqu’à l’été. Je souhaite un Noël d’espoir aux Naskapis. Mathieu-Robert Sauvé

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