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Entre le Néolithique et les années 1950, l’humanité évoluait dans l’ère macroscopique; de 1970 à 2000 elle a découvert l’univers microscopique; elle est plongée depuis l’an 2000 dans le nanomonde. C’est ainsi que le chimiste Jean-François Morin a présenté son sujet de recherche au petit groupe de professionnels réuni au Musée de la civilisation de Québec à l’invitation de l’Association des communicateurs scientifiques, le 2 avril dernier, en compagnie de la journaliste scientifique Valérie Borde.

M. Morin est un de ces alchimistes des temps modernes qui ont réussi à manipuler des structures à l’échelle de quelques nanomètres (ou milliardièmes de mètre), en créant un véhicule à quatre roues pivotantes lorsqu’il complétait un postdoctorat à l’Université Rice, au Texas. C’est vrai, on l’a vu!

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Après plusieurs milliers d’années d’innocence où on ne croyait qu’à la matière observée par notre œil nu, bienvenue dans le nanomonde où on ne voit plus rien sauf avec un microscope à effet tunnel et un chercheur postdoctoral à nos côtés. La rhétorique du scientifique émerveillé devant les possibilités techniques (médecine, pharmacie, transports, bref tout le monde en sort gagnant, même les producteurs de crème solaire) est toutefois vite confrontée à celle du public sceptique, incarné ici par Mme Borde. « Que produit-on précisément au Québec avec des matériaux issus de la nanotechnologie et des nanosciences? On n’en sait rien. Il règne une incroyable culture du secret dans ce monde.»

Si la chroniqueuse science de L’actualité l’affirme, on peut la croire. Ayant participé de près au montage de l’exposition sur le sujet présenté jusqu’en 2017 dans le musée de la basse-ville, elle a ratissé notre nanomonde pour le savoir. Elle est revenue bredouille, ou presque. Oui, des chiffres circulent; 1300 produits en vente libre contiennent des nanoparticules, de la raquette de tennis aux pneus d’auto. Quelle proportion? Lesquels? Mystère.

On ne sait rien non plus sur les risques que représente cette conquête de la nano industrie stimulée par des macro-profits. Car le marché est lucratif : 21 milliards de dollars entre 2000 et 2015 selon le National Nanotechnology Institute américain. Et c’est le nouveau terrain de jeu de la recherche appliquée : 200 000 publications par an; 6000 brevets déposés entre 2003 et 2013.

L’avenir nanotechnologique suscite donc l’optimisme des uns et la méfiance des autres. La force de l’exposition est de jouer sur ces deux pôles. Le visiteur doit choisir son entrée dès qu’il pénètre dans la salle d’exposition. D’un côté, le parti de l’espoir, incarné par IronMan, ce superhéros positif; de l’autre, le robot Terminator armé jusqu’à l’exosquelette. À mesure qu’il découvre les artefacts et lit les cartels, le visiteur est appelé à modifier sa position; son bilan apparait au terme de sa visite. Moi, je suis passé de « totalement contre » à « neutre ». Merci, plaisirs nanologiques!

« Où se cachent les nanos? » On se pose la question tout au long de notre visite. C’est aussi le titre d’une publication signée Nadia Capolla qui vient de paraître chez MultiMondes. Abondamment illustré, le livre fait l’inventaire des technologies permettant d’observer la matière à l’échelle nanométrique : la double échelle d’ADN fait 2 nanomètres; un virus, 70. L’auteure détient un doctorat en physique de l’Université Laval et a travaillé chez NanoQuébec. Elle prend résolument le parti de l’espoir.

Le meilleur de Lemieux

Dans un autre ordre d’idées, le journaliste Raymond Lemieux devient responsable éditorial chez MultiMondes. Pour l’édition scientifique québécoise, c’est une bonne nouvelle. Pour le secteur des magazines, c’est un mauvais présage. On le sait, la chute des revenus publicitaires, la fin des ventes dans certaines librairies, le tango des distributeurs et la baisse du lectorat des imprimés en font un secteur en déclin. Mais le rédacteur en chef de Québec Science laisse derrière lui la meilleure revue de vulgarisation scientifique de la francophonie. Au Québec, c’est une donnée objective. Avec L’actualité, Québec Science a été le magazine le plus primé aux concours annuels de l’Association québécoise des éditeurs de magazines.

Mieux que personne, Raymond a compris que la science était un champ d’activité qui méritait une approche journalistique digne de la meilleure école. Le meilleur de Lemieux, c’était son incroyable créativité. Dans son équipe ont débuté certains des plus brillants journalistes de l’heure (Catherine Dubé et Marie-Pier Élie notamment). Mais il a d’abord eu le mérite de faire durer un magazine dont la précarité financière a accompagné la naissance et la croissance. La qualité a toujours été là.

Mathieu-Robert Sauvé

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