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« Ces travaux sont aux neurosciences ce que le boson de Higgs a été pour la physique des particules. » Cette déclaration, pour le moins accrocheuse, vient de David Nutt, neuropsychopharmacologue et chercheur sénior de l’étude en question qui vient d’être publiée dans la revue PNAS en mars dernier. Et un peu comme dans le cas du boson de Higgs, les résultats ont confirmé la théorie, à savoir que les modifications d’activité cérébrale qui ont été observées rendent très bien compte de ce qu’un « trip sur l’acide » peut provoquer comme état mental !

Mais si cette étude intitulée « Neural correlates of the LSD experience revealed by multimodal neuroimaging » a attendu des décennies avant d’être réalisée, c’est qu’une série d’obstacles se dressait devant elle. Le caractère officiellement « illicite » de la drogue psychédélique par excellence des années 1960 n’étant pas le moindre. Ses effets déroutants, voire paradoxaux, en ont sans doute également découragé plus d’un, tout en alimentant l’aura de mystère sur la façon avec laquelle cette molécule, synthétisée pour la première fois en 1938 par Albert Hofmann, modifie l’activité cérébrale.

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Le protocole expérimental conçu par l’équipe de Nutt a fait appel à une vingtaine de sujets, qui venaient deux journées différentes au laboratoire. Dans un cas, le sujet recevait 75 microgrammes de LSD intraveineux, et dans l’autre cas un placebo , c’est-à-dire rien d’autre qu’un liquide physiologique. On a pu ainsi comparer les effets réels du LSD à ceux d'autres modifications (produites par exemple par des attentes, des conditionnements, etc.) chez la même personne.

Le protocole est en outre assez impressionnant en termes d’instruments utilisés pour ne rien manquer des effets de l’acide lysergique diéthylamide (le nom complet du LSD). Trois techniques complémentaires ont ainsi été utilisées : l’ASL (ou « arterial spin labelling »), l’IRMf (ou imagerie de résonnance magnétique fonctionnelle ) et la magnétoencéphalographie (les deux premières étant des lectures indirectes de l’activité nerveuse basées sur le flux sanguin dans les capillaires cérébraux).

L’analyse des résultats obtenus avec ces différentes techniques combinées a permis de mieux comprendre deux grands types d’effets associés à la prise de LSD : les hallucinations visuelles et le sentiment de dissolution du soi .

Dans le premier cas, les trois techniques utilisées ont mis en évidence une augmentation du débit sanguin dans le cortex visuel , une diminution de la puissance des rythmes alpha et une bien plus grande connectivité fonctionnelle. Trois modifications dont l’importance corrélait avec l’intensité des expériences subjectives rapportées par les sujets.

Comme le rapporte l’auteur principal de l’étude, Robin Carhart-Harris, c’est un peu comme si les sujet voyaient, mais avec leurs yeux fermés. Autrement dit, c’est non plus le monde extérieur, mais l’activité intrinsèque ou endogène de leur cerveau (leur imagination, pourrait-on dire) qui alimente alors fortement le système visuel. Et de fait, les scientifiques ont pu observer beaucoup de régions cérébrales (liées à l’audition, l’attention et le mouvement) interagir non seulement avec les régions visuelles, mais également entre elles sous l’influence du LSD. La drogue favoriserait donc cet aspect plus « unifié » du cerveau.

Mais dans même temps, un aspect plus « fragmenté » d’autres réseaux cérébraux , prouve qu’une même substance peut avoir des effets différents selon les endroits du cerveau, a fortiori une substance aux effets complexes comme le LSD. La baisse de connectivité a surtout été observée entre deux structures cérébrales, le gyrus parahippocampique et le cortex rétrosplénial (une partie du cortex cingulaire postérieur ), avec une corrélation au niveau subjectif entre l’intensité de cette « déconnexion » et celle de l’impression de dissolution du soi et de l’altération du sens des choses.

Encore une fois ici, l’impression de ne faire plus qu'un avec les autres, avec la nature, voire avec l’univers, rapportée par des décennies d’utilisation de cette substance trouve ici un corrélat neuronal intéressant. D’autant plus que ces impressions, qui sont souvent interprétées dans un cadre spirituel ou religieux, semblent être associées à des améliorations du bien-être durant un certain temps après que les effets immédiats de la drogue se sont dissipés.

C’est d’ailleurs l’objet d’une autre étude de la même équipe, publiée cette fois en février dernier dans Psychological Medicine (4e lien ci-dessous), qui montre qu’une certaine « fluidité cognitive » pourrait être conservée un certain temps après l’utilisation de LSD, ouvrant ainsi la voie à un usage thérapeutique, notamment contre la dépression et la rumination mentale qui lui est associée.

i_lien LSD's impact on the brain revealed in groundbreaking images a_expNeural correlates of the LSD experience revealed by multimodal neuroimaging i_lien LSD: Psychedelic Thrill or Optimism Pill? a_expThe paradoxical psychological effects of lysergic acid diethylamide i_lien Lysergic acid diethylamide a_lienArterial Spin Labeling

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