octopus

On a bien raison de trouver le cerveau humain mystérieux et merveilleux. C’est en effet cette même fabuleuse machine qui nous permet de chanter, d’avoir mal, de voir, d’aimer, de faire la révolution ou d’aller magasiner. Et bien sûr de parler de tout ça, dans un blogue par exemple.

Mais ce n’est pas parce que les autres animaux ne peuvent pas nous expliquer « l’effet que ça fait » d’être une chauve-souris, une coquerelle ou un alligator que leur cerveau n’en est pas moins étrange et fascinant pour autant. C’est ce qu’a voulu illustrer Kayleen Schreiber dans sa série d’infographic — pour employer le terme consacré en anglais — « Weird Animal Brain ». Schreiber, qui est docteure en neuroscience, se consacre à la communication scientifique sur différents canaux, dont son site web et le site de vulgarisation collectif Knowing Neurons.

Les étranges cerveaux d’animaux qu’elle nous présente sur des fiches illustrées et facile à lire, sont accompagnés de quelques références d’articles scientifiques d’où proviennent les faits présentés. Plusieurs se concentrent sur les étonnantes facultés sensorielles des autres animaux comme les mouches à fruits qui ont des récepteurs de goût sur leurs pattes, les papillons de nuit mâles qui peuvent sentir une femelle à des kilomètres à la ronde grâce à des récepteurs aux phéromones sur leurs antennes, ou les organes électriques des requins qui peuvent pour leur part détecter les champs électriques extrêmement faibles produits par leurs proies.

Aussi, d’autres animaux au cerveau fort différent du nôtre mais permettant à leur porteur d’exprimer des facultés cognitives complexes sont également présentés. Et comme plusieurs ont aussi fait l’objet de présentations lors de la récente école d’été de l’Institut des sciences cognitives (ISC) de l’UQAM, je vous donne quelques exemples de ces espèces emblématiques de formes de cognition animales élaborées mais souvent fort éloignées de la nôtre.

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Prenons d’abord la pieuvre. Alors que Kayleen Schreiber nous explique que les deux tiers des neurones de la pieuvre se trouvent répartis dans huit réseaux semi-autonomes dans ses huit pattes — le reste des neurones formant un « cerveau » ayant la forme d’un beigne entourant l’œsophage ! —, la présentation de Jennifer Mather à l’école d’été de l’ISC se demandait plutôt si les calmars avaient le sentiment d’avoir un « soi » comme c’est le cas pour l’humain. Pourquoi les calmars plutôt que les pieuvres ? Parce que ces dernières, bien qu’ayant des habiletés motrices remarquables et un système de signalisation complexe par les changements de couleur de sa peau demeure un animal solitaire. À l’opposé, les calmars sont des mollusques vivant en groupe et cette vie sociale, en particulier les transformations de couleur de leur peau lors des parades nuptiales, sont en fait des candidats potentiellement plus intéressants pour avoir un sentiment d’individualité comme le « soi ».

Toujours dans l’eau, il y a aussi le cas du dauphin, un mammifère cette fois. La fiche de Kayleen Schreiber sur le grand dauphin rappelle que cet animal peut dormir un hémisphère cérébral à la fois. Des enregistrements de l’activité de leur cerveau ont ainsi montré qu’un hémisphère pouvait avoir l’activité typique du sommeil et l’autre celui de l’éveil. Ces mammifères marins peuvent ainsi en tout temps remonter à la surface pour respirer ou continuer à s’occuper de leur petit car même lorsqu’un hémisphère dort, l’autre semble capable d’assurer ces fonctions de base. De son côté, dans sa présentation intitulée « Who are dolphins? », Lori Mariano aborde elle aussi la question du soi ( self-awareness ) et de la reconnaissance de soi dans un miroir chez le dauphin, mais dresse aussi un portrait plus large des capacités psychologiques de cet animal, que ce soit à travers ses liens familiaux ou ses rapports sociaux complexe, incluant des traditions culturelles.

Enfin du côté des oiseaux, Schreiber pose une question qui m’a toujours intrigué : pourquoi les pics n’ont pas de commotions cérébrales à force de taper violemment sur les troncs d’arbre avec leur bec ? Leur crâne subit alors plusieurs décélérations foudroyantes qui ne sont sans doute pas très bonne pour les tissus mous du cerveau. Sauf que, nous apprend sa fiche : le cerveau des pics remplit particulièrement bien la boîte crânienne de sorte qu’il ne peut pas bouger beaucoup ; la structure cérébrale la plus importante est placée en avant dans la partie frontale du crâne, de sorte qu’elle répartit la force tout autour d’elle ; et les pics procèdent par courtes bouffées de coups pour laisser le temps au cerveau de refroidir entre chaque salve (car l’énergie de toute cette friction produit beaucoup de chaleur !). Et durant l’école d’été, plusieurs présentations concernant les oiseaux ont aussi eu lieu, notamment celle de Debbie Kelly ayant pour titre : « Spatial cognition in Food-Storing Birds ». Plusieurs espèces d’oiseaux, durant les périodes d’abondance alimentaire, cachent en effet leur nourriture pour les périodes plus creuses. Ils doivent alors non seulement retrouver leurs cachettes, mais également diminuer les risques de voleurs potentiels, deux comportements qui nécessitent des capacités cognitives élaborées.

La grande majorité de la cinquantaine d’autres conférences, panels et workshops de cette école d’été sur la sensibilité et la cognition animale ont été filmées et sont accessibles gratuitement à partir de la page de chaque événement. De quoi être étourdi par toute cette diversité et d’en venir à voir son steak comme un animal (sensible et) mort…

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