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D’aussi loin que ma mémoire se souvienne, la biologie, le vivant, m’ont toujours fasciné. Mon plus vieux souvenir à ce sujet remonte au jour où ma famille s’était donné rendez-vous, dans la ferme de mon arrière-grand-père récemment décédé, pour se partager les biens. Je devais avoir 5 ou 6 ans, tout au plus. D’un ennui indescriptible, cette journée d’été chaude et ensoleillée allait être complètement gâchée jusqu’au moment où, en fouinant moi aussi dans les placards, je trouvai une vielle loupe dans son étui de cuir

Explorant d’abord l’intérieur de la maison, je me suis rapidement retrouvé dans le jardin pour valider (ou falsifier) ce qui serait la première hypothèse scientifique de ma vie : « Il est possible d’allumer un feu en concentrant les rayons du soleil avec une loupe! »

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Évidemment, c’était une mauvaise idée, et en faisant appel à ma raison ou plutôt en écoutant la peur que j’avais que cela fonctionne, j’ai rapidement modifié l’hypothèse pour : « Il est possible de faire cuire une fourmi en concentrant les rayons du soleil avec une loupe ».

Eh oui… j’avais 5 ans, et tout le monde connait la cruauté qu’un petit garçon de cet âge peut exprimer envers les insectes. Cependant, après quelques minutes d’essais infructueux, je dus me résigner.

Mes petites victimes étaient bien trop rapides pour que le faisceau leur fasse quoi que ce soit.

Je me résignai donc à modifier mon hypothèse encore une fois pour : « Il est possible de cuire une feuille de trèfle en concentrant les rayons du soleil avec une loupe ». Elle, au moins, ne pouvait pas s’échapper! Si je me souviens très bien que cela avait fonctionné, je me souviens encore bien mieux de la surprise que j’ai eue en approchant cette loupe sur les différentes feuilles qui me tombaient sous la main.

Je découvrais un monde d’une beauté cachée, incroyable et captivante. Un monde fait de nervures, de cuticules, d’épines, de formes géométriques, de teintes, de détails, de défauts et de perfections. On aurait dit qu’il y avait un univers complet à l’intérieur même de ces feuilles, et c’est à cet instant que je me suis promis qu’un jour je saurai de quoi était fait cet univers et surtout comment il fonctionne.

Des secrets et des cours

Par la suite, j’ai suivi mon cursus scolaire avec toujours plus d’intérêt envers les cours touchant à la biologie et, à la fin du secondaire, j’étais passionné par l’utilisation des bactéries et des levures pour la fabrication de nourriture. Durant deux ans, j’ai donc appris les secrets de la fabrication du pain, du vin, de la bière et du fromage… Deux années d’étude délicieuse!

Cependant, en rencontrant, lors de mon stage de fin d’année, plusieurs agriculteurs, j’ai pris conscience du désir de ces amoureux de la terre à trouver des méthodes plus respectueuses de l’environnement afin de lutter contre les saccages que faisaient parfois des insectes ravageurs dans leurs cultures. Après quelques semaines de recherche, j’aboutis dans la serre d’élevage du jardin des plantes de la ville de Caen. Un petit groupe de 3 passionnés s’acharnaient à élever des guêpes et des coccinelles pour ensuite les distribuer gratuitement aux visiteurs du jardin, tout en les sensibilisant aux impacts de l’utilisation de pesticides. Cette fois, j’avais trouvé ma voie : la lutte biologique!

La guerre biologique

Utiliser des insectes au lieu de produits chimiques… Cette idée, qui à cette époque ne faisait qu’émerger, me fascinait. Cela demandait de bien connaitre le fonctionnement de la nature, les relations trophiques (proie-prédateurs) pour les utiliser et les mettre à notre service. C’était parfait! Je me suis alors inscrit au baccalauréat en biologie des organismes et des populations avec un profil en physiologie végétale et animale et en entomologie.

L’été, je réalisais des stages au Service de Protection des Végétaux pour faire la surveillance des invasions d’insectes, développer de nouvelles techniques de piégeage et faire l’élevage (principalement de coccinelles) pour aider les producteurs de verger à lutter contre les pucerons. À la fin de mon bac, je trouvai le sujet de maîtrise idéal: la lutte biologique contre la pyrale du maïs. Cette chenille qui ravageait les champs de maïs, obligeant les agriculteurs à utiliser de grande quantité de pesticides, allait voir de quoi j’étais capable avec mon élevage de mini-guêpes. Tout se déroulait comme prévu.

Malheureusement, le destin allait en décider autrement. Une semaine avant le début de ma maîtrise, le laboratoire de mon directeur passa au feu. Une perte totale. Plus de recherche possible. Toutes les données préliminaires, les élevages, les appareillages avaient brulé, et mon directeur m’annonçait qu’il ne pouvait, dans ces conditions, plus superviser de nouveaux étudiants. Il me recommanda cependant à un collègue à l’autre bout de la France qui travaillait sur les arbres et qui cherchait de toute urgence un étudiant. La mort dans l’âme, j’acceptais.

Deux rencontres et le Québec

Pendant cette maîtrise, alors que je luttais contre la déception, je fis pourtant deux rencontres qui allaient changer ma carrière et donc ma vie. La première, le professeur Francis Hallé, architecte des arbres, passionné du monde végétal et défenseur des organismes immobiles et silencieux. Cet homme, en vouant un culte si sincère aux plantes, les remerciant sans cesse d’être à la base de notre propre survie, a fait germer en moi la passion de ces cathédrales vivantes que sont les arbres. Il m’a fait comprendre à quel point nous ignorons ces géants et à quel point nous les comprenions mal.

Pourquoi? Tout simplement parce qu’on s’émerveille bien plus facilement du singe, de l’écureuil et de l’oiseau qui y sont perchés. Généralement, l’arbre représente peu d’intérêt face aux yeux ronds des mammifères et au plumage coloré de la faune aviaire. Nombreux sont ceux qui pensent même que l’arbre n’est qu’un simple décor pour le grand théâtre des animaux… Je décidais alors de répondre aux désirs de l’enfant de 5 ans que j’avais été. J’allais contribuer à mieux comprendre l’univers végétal et surtout j’allais aider à redorer son blason.

La seconde rencontre fut celle avec le professeur Yves Mauffette de l’UQAM qui était de passage en France pour recruter des volontaires dans un nouveau programme de doctorat France-Québec. Alors que l’envie de voyager me chatouillait depuis plusieurs années, les récits de voyage de cet homme m’ont convaincu de faire le saut au-dessus de l’Atlantique. Le Québec serait donc à la fois l’endroit idéal pour s’ouvrir à une autre culture et contribuer à l’éloge de l’arbre, car comme il me l’a lui-même dit avec un grand sourire lors d’une de nos discussions « Tu vas pouvoir t’amuser, des arbres on en a quelques-uns au Québec! »

Finalement, après avoir exploré la forêt tropicale au Panama et la forêt boréale en Finlande lors de stages postdoctoraux, je plantai définitivement mes racines en Outaouais, à Ripon, en plein cœur de la forêt feuillue québécoise. Et à chaque occasion, professionnelle ou personnelle, je me fais le devoir de parler des arbres et de leur beauté ignorée. C’est pourquoi, aujourd’hui, à travers ce blog, j’aimerais vous les faire découvrir un peu plus et, bien entendu, vous permettre de développer un autre regard sur ces phénomènes vivants.

Je donne