Intérieur du Soyouz

L’agence spatiale canadienne annonce qu’elle a entrepris les procédures de sélection pour choisir un prochain astronaute. Lorsqu’il partira en mission, celui-ci décollera de Baïkonour au Kazakhstan. 3772 candidatures ont été soumises. 72 candidatures ont été retenues. Qui sera choisi?

Le Kazakhstan, pays des superstitions

Vingt-quatre octobre 1960. Une épaisse fumée enveloppe le corps métallique et froid de la fusée porteuse, dressée sur le pas de tir. Mitrofan Ivanovitch Nédéline, maréchal soviétique et chef d’état-major des Forces de missiles stratégiques, s’impatiente. C’est le quatrième report du lancement de la fusée balistique expérimentale. Mitrofan Ivanovitch craint la réprimande de ses supérieurs de Moscou. Pour gagner du temps, il ordonne que l’on ne procède pas à la vidange des réservoirs de l’engin. Bien assis au pied du gigantesque missile sur une chaise qu’il s’est fait porter, Mitrofan Ivanovitch ne cesse de vociférer. Une vanne d’alimentation de combustible, au premier étage de la fusée, refuse de fonctionner. Des dizaines de techniciens et d’ingénieurs s’affairent et tentent désespérément de la remettre en état. Un éclair jaillit soudain entre les deux étages. La fusée explose dans un fracas meurtrier. Nédéline y laisse la vie, et avec lui 165 techniciens et ingénieurs. Depuis, le 24 octobre est jour de deuil à Baïkonour. On n’y procède plus à aucun lancement ce jour-là.

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Quelqu’un, peut-être, n’avait pas fait pipi à la bonne place, pas au bon moment, n’avait pas signé la bonne porte, n’avait pas glissé le bon kopeck sous le bon rail, ne s’était pas couché dans le lit du bon Gagarine...

L’inconséquence humaine laisse pantois. Même dans un domaine éminemment technique, rigoureux, scientifique, où rien ne doit être laissé au hasard, la superstition règne. Canis n’en croit pas ses oreilles qui pendent.

Les cosmonautes soviétiques, et maintenant les Russes et les Canadiens, s’entraînent à la Cité des étoiles, près de Moscou. Deux équipages sont désignés pour chaque mission. Ils arrivent à la base de lancement sur des vols aériens différents, qui se posent l’un à la suite de l’autre sur deux pistes différentes de l’aéroport de Kraïna. Les cosmonautes quittent ensuite l’aérogare à bord de deux convois distincts, traversent la ville de Leninsk et emménagent à l’hôtel « Cosmonaute », en bordure de la route qui mène au pas de tir. À quelques reprises, ils visitent les installations de la base de lancement et y procèdent à des inspections et vérifications de routine. Ils doivent alors visiter la maisonnette dans laquelle a dormi Iouri Gagarine (1), la veille de son vol historique. À tour de rôle, ils sont tenus de s’asseoir sur sa couchette. Omettre cette formalité peut porter malheur.

Pendant ce temps, une puissante locomotive amène la fusée porteuse au pas de tir. Depuis Gagarine, le scénario est toujours le même : des militaires et des ingénieurs font le trajet à pied à côté de la locomotive. La coutume veut que l’on glisse sur le rail une pièce de monnaie qui est immédiatement aplatie par le convoi. On la recueille, toute chaude : elle portera bonheur à celui qui la possède. 

Il est hors de question, pour les cosmonautes, d’assister à l’érection de la fusée sur la rampe de lancement. Cela porterait malheur. Les ouvriers et les techniciens ne doivent pas porter de vêtements neufs ce jour-là. Ce serait un mauvais présage. Le jour du départ pour l’espace, les cosmonautes quittent l’hôtel, en n’oubliant pas d’autographier la porte de leur chambre. Cela porte bonheur. 

Une autre tradition scrupuleusement respectée oblige les équipages en route pour le pas de tir à s’arrêter à mi-chemin pour… uriner. Rituel en hommage à Gagarine qui, au matin du 12 avril 1961, avait dû faire une pose pour se soulager avant son vol historique ! Tout le monde doit s’y prêter, même les rares femmes cosmonautes. Le prochain astronaute canadien n’échappera pas au pipi rituel, vieux de plus de trente ans. Peut-être se sera-t-il glissé lui aussi — deux précautions valent mieux qu’une ! — une queue de lapin dans une de ses poches...

(1) Premier voyageur de l’espace.

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