bombe-atomique

À quoi reconnaît-on les symptômes psychologiques de « l’anxiété nucléaire » en 2017 ? À des déclarations improvisées sur « le feu et la fureur » ? À l’incertitude devant un danger qu’on croyait relégué aux livres d’histoire ? Ou à la montée soudaine des recherches Google sur « comment survivre à une guerre nucléaire » ?

En tant qu’experte, « non, je ne suis pas trop préoccupée », disait il y a quelques jours au magazine The Atlantic l’analyste de recherche Lovely Umayam, de Washington. Les armes nucléaires « sont une sorte de couche tout autour du monde, cette chose abstraite et intangible. Nous n’en parlons pas et n’y pensons pas. »

Et il y a derrière cela un gap générationnel : même les Américains, détenteurs du plus grand arsenal nucléaire mondial, échouent régulièrement aux questions des sondeurs (en 2016, seulement 9 % pouvaient identifier ce que « prolifération nucléaire » voulait dire). Un phénomène lié au fait que les moins de 35 ans n’ont rien connu de la menace d’une guerre nucléaire, au contraire des baby boomers qui ont vécu les alertes, les bunkers et les recommandations des gouvernements sur les mesures à prendre en cas de catastrophe. « Trump a réveillé mes cauchemars nucléaires », écrit la Britannique Suzanne Moore dans The Guardian.

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En contraste, le Chicago Tribune donne la parole à un jeune de 20 ans, pour qui ces insultes que se lancent à la tête les présidents américain et nord-coréen sont « divertissantes. Nous en rions et nous pensons que c’est intéressant, parce que nous étudions le gouvernement à l’école, et c’est amusant de voir le processus. »

Psychologues et sociologues ont l’habitude d’observer des réactions aussi contrastées : chaque personne réagit en fonction de son expérience, de son tempérament et de ses connaissances. Mais ça laisse certains influenceurs — comme les enseignants — démunis devant le type d’arguments à employer devant une menace aussi énorme qu'une guerre nucléaire : faut-il rassurer les plus inquiets ou secouer les plus indifférents ?

« Les psychologues, analyse une journaliste canadienne, disent que d’être craintif ou anxieux face à la menace d’un holocauste nucléaire ou de toute catastrophe dévastatrice pour la vie, est parfaitement normal. »

Normal, mais paradoxal, résume dans Le Devoir Barthélémy Courmont, de l’Institut de relations internationales et stratégiques en France (IRIS). « Arme suprême, objet des stratégies de dissuasion les plus sophistiquées et des fantasmes les plus créatifs quant à sa capacité de destruction de l’humanité », la bombe atomique semble s’être « banalisée ».

Au point où « l’anxiété nucléaire » actuelle comporte un risque : celui qu’une fois la crise écartée, l’humanité retourne à son train-train quotidien, en oubliant qu’elle possède bel et bien un arsenal capable de la renvoyer à l’âge de pierre.

L’historien américain Allen Wallenstein voit un autre risque : celui que le citoyen moyen en vienne à croire qu’en comparaison avec la « guerre mondiale » qui était appréhendée pendant la guerre froide — ou dans la science-fiction — un conflit avec la Corée du Nord ou — s’il devenait lui aussi un État nucléaire — l’Iran serait « bénin ». Or, « une guerre avec la Corée du Nord se ferait à un coût beaucoup plus élevé que la plupart des gens l’imaginent ».

Même une « petite » guerre nucléaire ferait en effet sentir son impact à l’échelle de la planète : c’est le message qu’avaient envoyé dès 1983 les scientifiques qui avaient inventé le concept d’hiver nucléaire. Les tonnes de cendres et de poussières envoyées dans l’atmosphère à cause des explosions créeraient une couche suffisante pour réduire la lumière du soleil et diminuer la température de quelques degrés. Cet « automne nucléaire », dans le scénario le plus optimiste, ou cet « hiver nucléaire » dans le scénario du pire, pourrait durer des années, voire des décennies. L’agriculture en serait affectée — une réduction de la saison de croissance des plantes — en plus des cycles météorologiques, des écosystèmes et de la santé humaine.

 

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