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Les tueries de masse peuvent-elles se répandre à la manière d’une épidémie ? La question reste controversée, mais si les États-Unis doivent être considérés comme « objet d’analyse », le virus semble effectivement avoir un bon terrain de chasse.

Trois des cinq pires tueries de masse dans l’histoire moderne de ce pays ont eu lieu dans les deux dernières années. Dont deux, rien que dans les deux derniers mois, à Las Vegas le 1er octobre (59 morts) et à Sutherland Springs, Texas dimanche dernier (26 morts). Si on se rappelle que la psychologie admet depuis longtemps qu’un suicide puisse influencer d’autres personnes tentées de commettre un acte suicidaire, pourquoi n’en serait-il pas de même pour un acte meurtrier ?

À plus forte raison s’il est hautement médiatisé. En entrevue en 2015, l’auteure principale d’une recherche sur « la contagion dans les tueries de masse et les fusillades dans les écoles » émettait comme hypothèse qu’on puisse établir une corrélation entre « l’exposition médiatique » d’un événement et le risque qu’une autre tuerie se produise. Dans cette recherche, Sherry Towers et ses collègues de l’Université d’État de l’Arizona évoquaient un risque de « contagion » de 13 jours, suivi d’une période de six semaines — la période critique après qu’un tel événement ait occupé les manchettes et les esprits. Bien qu’il soit impossible de prouver pareille connexion, elle et son équipe tendaient à conclure que plusieurs des tueurs « sont inconsciemment inspirés par quelque chose qu’ils viennent juste de voir aux nouvelles ».

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Le journaliste Derek Thompson revient cette semaine sur ces recherches et d’autres dans The Atlantic. Il y a longtemps, rappelle-t-il, que les criminologues et le FBI savent que des assassins en citent d’autres comme « inspiration » pour leur crime. Mais l’idée d’une « inspiration » pour des tueurs de masse amène la réflexion à un autre niveau, celle où « l’imitateur » veut aller plus loin que « l’original ».

Pistes de solution

C’est dans cette perspective que le magazine Mother Jones faisait en 2015 six recommandations aux médias, toutes les six tournant autour de la même idée : éviter le plus possible de nommer le tueur. Utiliser des termes cliniquement neutres (et non des termes comme « loup solitaire »). Et minimiser les images : « c’est spécialement important pour les aspirants imitateurs en quête de gloire, et pour la psychologie des individus vulnérables qui s’identifient aux tueurs de masse ».

Une deuxième piste de solution, également unique aux États-Unis, serait de traiter cette épidémie pour ce qu’elle est : un problème de santé publique. Ce qui signifie une allocation de fonds pour la recherche et le traitement. Or, les tentacules du lobby des armes à feu s’étendent jusqu’à la recherche scientifique : les États-Unis vivent avec un moratoire de plus de 20 ans sur les fonds publics alloués à la recherche sur les liens entre santé mentale et armes à feu. En 1996, leur Congrès a en effet émis une directive interdisant au Centre de contrôle des maladies (CDC) d’utiliser des fonds publics pour « défendre ou promouvoir le contrôle des armes » — et les directions successives du CDC ont interprété cette directive comme interdisant toute recherche qui risquerait d’associer les armes à feu à un problème de santé. Le moratoire, que le président Obama a tenté d’éliminer en 2013, a été prolongé par le Congrès en 2015.

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