Axel-Heiberg-Ile

Dans l’Arctique canadien, sur l’île Axel Heiberg, des chercheurs en microbiologie de l’Université McGill ont récemment réalisé les premiers tests sur une nouvelle génération d’instruments permettant la détection du vivant à moindre coût.

« Nous voulons sélectionner les meilleurs instruments pour les intégrer à une plateforme qui serait capable de forer la roche, d’y extraire des microorganismes, de séquencer leur ADN et d’envoyer toutes les informations vers la Terre », explique Isabelle Raymond-Bouchard, l’étudiante postdoctorale en microbiologie au Laboratoire de microbiologie polaire, dirigé par le professeur Lyle Whyte.

La récente publication de leurs résultats souligne l’importance d’embarquer de tels instruments sur les futures sondes spatiales. C’est plus précisément sur cette île de l’Arctique, à la latitude 79° 26 'N, que l’équipe a pu tester trois appareils, l’équipement de culture des microorganismes cryo-iPlate, celui d’analyse du métabolisme MAM et un outil de détection et séquençage nommé Oxford Nanopore MinION. Les îles de l’Arctique possèdent un environnement rocheux similaire à celui de Mars, avec des froids extrêmes.

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La microbiologiste Isabelle Raymond-Bouchard a travaillé sur ce dernier appareil. « Nous continuons à le tester avec l’idée de l’optimiser pour obtenir une limite de détection la plus basse possible. Pour l’instant, nous sommes capables de repérer 10 bactéries par microgramme de sol. Les roches de Mars risquent d’en contenir bien moins. »

L’équipe, qui regroupait des ingénieurs et des biologistes de l’Université McGill, vise à améliorer chacun des instruments, mais surtout, créer une plateforme compacte qui devra consommer peu d’énergie, être autonome, légère et très résistante — capable de supporter un voyage d’au moins six mois dans l’espace.

Trouver de la vie sur Mars

Trois cibles extraterrestres intéressent les chercheurs, tout d’abord Mars, mais aussi Europe, la lune glacée de Jupiter ou Encelade, qui tourne autour de Saturne.

Mais il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin pour trouver des formes de vie étranges. Sur l’île Ellesmere, dans l’Arctique canadien, une autre équipe a identifié en 2013 une bactérie nichée dans le pergélisol et qui s’entête à croître à des températures aussi basses que – 15 degrés C. Elle présente même une activité métabolique à – 25 degrés C. Planococcus halocryophilus vit dans cette terre gelée en permanence, dans des micro-niches rocheuses qui la protègent des éléments extérieurs.

« À l’intérieur, des veines d’eau salée offrent un habitat extrême à ces bactéries. Elles continuent de pousser, quoique très très lentement, et de respirer à des températures plus basses encore », assure Isabelle Raymond-Bouchard.

Ce potentiel de survie avait d’abord été mis à jour au sein de sources hypersalines — où la concentration de sel avoisine les 24 % — un environnement riche aussi en sulfates, en ammoniaque et en méthane. Ces bactéries dites halophiles – qui aiment ou supportent des environnements à forte concentration en sel – poussent alors sous forme de filaments dans ces microfilms liquides.

Une vie qui semble donc repousser les limites. « En se nourrissant de différents éléments (nitrate, sulfate, méthane), différentes familles de bactéries s’adaptent et créent des communautés spécifiques à ces environnements arides », relève la chercheuse.

Pister ces écosystèmes au sein de ces endroits inhospitaliers aide donc les microbiologistes à fourbir les outils les plus sensibles pour détecter le moindre sursaut de vie.

Hors contamination

Une tentative de « spatialiser » leur équipement que salue le Pr Daniele Pinti, directeur du centre de recherche sur la dynamique du système Terre GEOTOP de l’UQAM et l’un des éditeurs de la première encyclopédie mondiale sur l'astrobiologie — Encyclopedia of Astrobiology (Springer).

L’ADN permettra de mieux caractériser les microbes extraterrestres, dit-il. On ignore évidemment s’il existe des bactéries martiennes, mais elles devraient être, selon lui, très différentes de celles qui peuplent notre planète. Mais il faudra aussi avoir de la chance pour les trouver : « quand on explore une zone de 10 km2 sur une planète dont la surface représente 1/6 de la surface de la Terre, cela en prend. Il faudra aussi s’assurer que la vie que l’on découvre ne provient pas de la contamination terrestre des instruments ».

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