Arctique-Nunavik-lacs

Dans l'Arctique, le dégel du pergélisol ne fait pas qu’émettre davantage de gaz à effet de serre en libérant le carbone qui était prisonnier du sol gelé. La matière organique ainsi libérée se déverse dans les cours d’eau, où elle perturbe le cycle de vie… et brunit l’eau.

C’est ce que conclut une récente étude internationale, à laquelle a participé une équipe québécoise, qui montre l’accélération du réchauffement de ces sols gelés et l’impact direct sur les eaux de surface nordiques.

Le milieu aquatique brunit, explique en effet Isabelle Laurion, du Centre Eau Terre et Environnement de l’Institut national de recherche scientifique (INRS). Ce phénomène freine la pénétration de la lumière et augmente les émissions de gaz à effet de serre (GES) du milieu.

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Pour leur récente étude, les chercheurs ont prélevé, entre 2002 et 2016, des centaines d’échantillons de 253 étangs situés dans des régions circumpolaires, au nord du Québec, de l’Alaska et de la Russie. Leur analyse montre les changements chimiques, biologiques, optiques et isotopiques provoqués par cet écoulement de matière organique.

Les travaux des chercheurs québécois réalisés à Kuujjuarapik, à l’embouchure de la Grande rivière de la Baleine au Nunavik, montrent que cette matière dissoute va modifier le spectre d’absorption de la lumière par l’eau.

« Ce changement de couleur de l’eau — un brunissement ressemblant à du thé — va nuire à la photosynthèse et stimuler la respiration bactérienne dans les sédiments », ce qui va également stimuler la production de méthane, soutient la spécialiste d’écologie aquatique et de bio-optique qui s’intéresse aux effets des changements climatiques sur le milieu lacustre.

L’équipe constate aussi une modification de la répartition des températures dans l’eau en raison du réchauffement climatique. Ainsi, le fond de l’eau va se refroidir. « Les étangs vont avoir du mal à se réoxygéner correctement, ce qui a des conséquences sur la vie qui s’y trouve », ajoute la chercheuse.

Tous ces changements viennent notamment modifier l’alimentation du minuscule zooplancton qui habite la nappe d’eau. Le phénomène s’observe facilement dans les petites étendues d’eau mais reste encore discret dans les grands lacs.

Enfin, ces changements ont un autre impact, mieux connu celui-là, sur le cycle du carbone. Lorsque les mares se forment suite au dégel, il y a libération du carbone qui était stocké dans le sol. « C’est comme si les étendues d’eau se transformaient en réacteurs de carbone », ajoute la chercheuse. Et ces gaz à effet de serre vont à leur tour contribuer au réchauffement.

Cette étude confirme un problème connu — le relargage dans l’atmosphère du carbone stocké depuis des millénaires dans la toundra — note le directeur scientifique du Laboratoire environnemental de géochimie organique à l’Université Concordia, Yves Gélinas.

« L’analyse des données sur les 253 lacs montre bien l’augmentation du brunissement des eaux liée au réchauffement climatique et détaille avec précision l’ampleur du phénomène ».

 

Mise à jour 12 avril: zooplancton plutôt que phytoplancton et ajout de "stimulation de la production de méthane" (6e paragraphe)

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