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C’est une histoire qu’on aurait pu imaginer dans la télésérie policière CSI : en achetant sur Internet un simple « kit génétique » coûtant environ 300 $, « des criminels pourraient manipuler leur propre ADN pour éviter leur détection par les bases de données de la police », selon le quotidien britannique Daily Mail. Le Détecteur de rumeurs suggère au Daily Mail d’embaucher un journaliste scientifique, la prochaine fois.


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L’origine de la rumeur

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Le « kit » en question existe bel et bien : il s’appuie sur une technologie appelée CRISPR-Cas9, nouvelle technologie de manipulation et de modification des gènes qui fait fureur ces dernières années dans les laboratoires à travers le monde. Appelée tour à tour « ciseau » ou « scalpel » génétique, cette technologie permettrait d’effectuer des modifications génétiques avec une précision et une rapidité de loin supérieures à tout ce qui existait avant. L’objectif ultime étant de guérir ou prévenir des maladies en corrigeant un gène défectueux.

Mais beaucoup des expériences en cours révèlent encore des obstacles imprévus ou des taux d’erreurs élevés. Avec pour résultat qu’on devrait légitimement douter de l’efficacité d’un « kit » vendu en ligne pour 300 $ qui promettrait rien de moins que de modifier notre génome.

La technologie permet-elle de modifier son ADN à la maison ?

Sur leurs sites respectifs, les vendeurs de « kits CRISPR » le présentent généralement comme un appareil servant à jouer avec les gènes de… bactéries — l’équivalent 2018 des kits de chimie des adolescents d’autrefois. Même pour les compagnies qui prétendent pouvoir cibler un gène responsable d’une maladie, aucune ne prétend pouvoir guérir — tout cela reste hautement expérimental.

Et même si on présumait qu’un gène puisse être altéré définitivement, il en faudrait plus pour tromper le test génétique classique effectué par des policiers à partir d’un prélèvement de salive, de sang ou du bulbe d'un cheveu. En gros, ce test repose sur ce que les généticiens appellent l’analyse des microsatellites, des séquences d’ADN formées par une répétition continue des mêmes motifs. La longueur et la fréquence de ces motifs permettent de repérer un individu : il devient par exemple possible de cibler un suspect qui se trouverait déjà dans les bases de données de la police. Comme ces motifs sont éparpillés à travers le génome, et que celui-ci est composé de 3 milliards de paires de base, un criminel qui choisirait cette méthode pour brouiller les pistes aurait du boulot — en supposant que ce soit possible.

Autant l’article du Daily Mail qu’une journaliste d’un autre quotidien britannique, le Daily Telegraph, ont cité un nommé George Church, généticien très médiatisé aux États-Unis et un des pionniers de la technologie CRISPR, qui semble accréditer l’idée que des criminels puissent utiliser la technologie pour « disparaître des bases de données de la médecine légale ». On ignore s’il en parle au présent ou dans un futur relevant pour l’instant de la science-fiction — parce que, comme le rappelle la biochimiste Eleanor Graham également dans le Daily Telegraph, le criminel ne devrait pas juste altérer un de ses gènes, mais pratiquer sur lui-même une hypothétique intervention médicale « plutôt extrême » qui ferait en sorte que toutes ses cellules soient affectées en même temps (puisqu’une copie de notre ADN réside dans chacune des cellules de notre corps).

Verdict : il n’est pas impossible que la science-fiction devienne un jour réalité, mais pour l’instant, avec la technologie dont on dispose et dans l’état très imparfait de nos connaissances sur les gènes, le kit pour transformer son ADN soi-même n’existe pas. Et il est hautement déconseillé d’essayer cela à la maison.

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