C'est avec plaisir que je reviens à "Science on blogue!" pour une troisième année. J'espère que vous serez nombreux à émettre vos commentaires et à susciter une discussion.

Pour ce premier billet, je vous propose une première mondiale de la part de chercheurs canadiens. Dans un article qui paraîtra sous peu dans la revue "The Astrophysical Journal Letters", une équipe d'astronomes de l'Université de Toronto, David Lafrenière, Ray Jayawardhana et Marten van Kerkwijk, présente ce qui semble être la première image d'une planète extrasolaire au voisinnage d'une étoile de type solaire. Cette annonce spectaculaire, qui doit cependant être confirmée, ouvre une nouvelle facette de l'étude des exoplanètes.

Avant de commenter les travaux de cette équipe de chercheurs, remontons un peu le temps afin d'établir le contexte dans le lequel se situe leur annonce.

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À ce jour, on connaît environ 300 planètes extrasolaires. Un catalogue mis à jour régulièrement est d'ailleurs disponible à l'adresse suivante:

http://exoplanet.eu/catalog.php

Ainsi, bon an mal an, on découvre environ une vingtaine de nouvelles planètes chaque année depuis le milieu des années 1990. Cependant, toutes ces nouvelles planètes sont identifiées de manière indirecte par le biais de techniques qui mesurent l'effet d'une ou de plusieurs planètes sur leur étoile parente. On mesure ainsi les variations de la vitesse radiale de l'étoile parente induites par le déplacement d'une planète sur son orbite, ou les variations de l'intensité lumineuse de l'étoile lorsqu'une planète passe devant celle-ci par rapport à nous, ou l'augmentation de l'éclat d'une étoile par amplification gravitationnelle d'une planète. Toutes ces techniques (vélocimétrie, transit et microlentille gravitationnelle) donnent des résultats à condition que les planètes soient situées très près de leur étoile parente.

Voir directement une planète en orbite autour d'une étoile est un défi beaucoup plus difficile à réaliser car la brillance d'une planète est beaucoup plus faible que celle de son étoile. Ainsi, la brillance d'une planète de la taille de Jupiter, située à environ 5 unités astronomiques (UA) d'une étoile comme le Soleil (une UA est la distance moyenne entre la Terre et le Soleil, soit environ 150 millions de km), est environ un milliard de fois moins grande que celle de son étoile dans le domaine de la lumière visible. Les choses s'améliorent un peu dans le domaine infrarouge, le contraste est alors de un pour un million, mais le défi demeure toujours aussi imposant. De plus, la distance angulaire entre l'étoile et sa planète (c'est-à-dire l'angle séparant les deux objets sur le ciel) est très petit, en général inférieur à une seconde d'arc (1/3600 de un degré). Le problème est donc équivalent à celui de photographier un petit grain de sable situé à moins de 5cm d'un phare de voiture d'une distance de plus de 10km à travers une couche d'air turbulent! On comprend pourquoi les images de planètes extrasolaires ne sont pas légions...

Revenons maintenant à l'annonce des chercheurs de Toronto. Le système qu'ils ont découvert est constitué d'une étoile un peu moins massive et plus jeune que notre Soleil - 85% de la masse du Soleil et âgée de 5 millions d'années plutôt que 5 milliards d'années - et d'une planète d'environ 8 fois la masse de Jupiter (donc environ 2500 fois la masse de la Terre) située à 330 UA de son étoile, soit 30 fois plus loin de son étoile que la planète Neptune dans notre système solaire. L'image qui suit illustre le système. La planète est située en haut à gauche par rapport à l'étoile brilante au centre.

Cette photographie semble presque banale, il s'agit pourtant d'un exploit technique absolument remarquable. Non seulement voyons-nous pour la première fois l'image d'une planète extrasolaire, mais en plus les chercheurs ont réussi à décomposer la lumière de la planète pour obtenir son spectre. Ce dernier permet de mesurer la température de la planète (environ 1500 celsius) ainsi que d'identifier partiellement sa composition chimique (semblable à celle de Jupiter). La planète est donc encore assez chaude ce qui s'explique par le fait que l'étoile et sa planète sont encore très jeunes, et que cette dernière n'a pas encore complètement refroidit après sa formation.

La photographie de cette planète soulève toutefois quelques questions. Ainsi, comment expliquer la formation d'une planète aussi massive à une distance aussi grande de son étoile ? Les modèles théoriques actuels de formation de systèmes planétaires ne sont pas tout à fait adéquats pour expliquer cette découverte. De plus, les deux objets sur la photographie sont-ils liés gravitationnelement ? En d'autres termes, s'agit-il d'un véritable système planétaire, ou de deux objets (l'un brillant et l'autre plus lointain et moins lumineux) situés par hasard le long de la même ligne de visée ?

Il faudra attendre encore un an ou deux avant d'avoir les réponses à ces questions. Néanmoins, le résultat de cette équipe montre que d'ici quelques années, l'imagerie et la spectroscopie des planètes extasolaires deviendront routinières. Nous pourrons alors possiblement détecter des planètes propices à la vie.

Je donne