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Les audiences de l’Office national de l’énergie (ONÉ) de la Ligne 9B d’Enbridge sont terminées. Alors que le verdict se fait attendre, voilà qu’on parle déjà des prochaines audiences entourant Énergie Est. Mais quels sont tous ces projets d’oléoducs qui veulent entacher le bilan carbone du Québec? Ce sont les énergies vertes qui doivent demeurer à l’avant-plan plutôt que de faire un pas vers l’arrière! Voici justement une pétition à signer à l'Assemblée nationale qui abonde dans ce sens. Mais voici d'abord en quoi consiste Énergie-Est.

Énergie Est: quels sont les risques? L’oléoduc Énergie Est de TransCanada prévoit transporter jusqu’à 1,1 million de barils (175 millions de litres) par jour, dont du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta vers l’est du Canada. Ce volume faramineux traverserait nos communautés, mais serait voué surtout à l’exportation étrangère – de grands risques de déversements pour peu d’avantages!

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TransCanada veut convertir 3 000 km de gazoduc pour le gaz naturel, vieux de près de 40 ans, entre l’Alberta et l’Ontario. Cet oléoduc conçu pour transporter un produit différent du pétrole, deviendrait soudainement un des plus gros oléoducs au monde. Des incidents ont déjà eu lieu avec ce gazoduc. On peut s’attendre à ce que le nombre d’incidents augmente avec le transport d’un produit autre que celui pour lequel il a été conçu.

Pour le reste du tronçon, TransCanada construirait un nouvel oléoduc de 1400 km qui traverserait le Québec jusqu’au Nouveau-Brunswick. Même avec une nouvelle structure, les risques de déversements restent élevés – le nombre d’incidents impliquant des oléoducs a doublé au Canada depuis 10 ans! L’incident malheureux de Lac-Mégantic nous rappelle de ne plus tenir pour acquises les activités de l’industrie pétrolière qui n'est pas infaillible. En Alberta seulement, il y a environ sept déversements par semaine.

Le pétrole est aussi plus néfaste que le gaz naturel lorsqu’il se déverse dans l’environnement. Le pétrole issu des sables bitumineux (ou bitume dilué) est, lui, encore plus difficile à nettoyer, surtout dans l’eau. Contrairement au pétrole régulier, le bitume dilué coule dans l’eau au lieu de flotter, le déversement dans la rivière Kalamazoo au Michigan aura malheureusement servi de laboratoire. Les oléoducs fuient toujours, ce n’est pas une question de temps, mais une question de savoir à quel endroit.

Comprenons bien ceci, ce projet ne réduirait pas notre dépendance envers le pétrole importé. Même avec cet oléoduc, le Québec continuerait d’importer du pétrole d’outre-mer. TransCanada a annoncé le projet d’Énergie Est en même temps qu’un partenariat pour construire un large port en eau profonde dans la Baie de Fundy et pour exporter à partir des plus gros navires-citernes au monde.

C’est bien à l’opposé du discours que tient TransCanada auprès du public pour l’acceptabilité du projet. La majorité du pétrole serait destinée à l’exportation puisque le pétrole peut s’y vendre à un prix plus élevé que sur le marché canadien. Brian Ferguson, le PDG de la compagnie Cenovus qui exploite les sables bitumineux, a ouvertement exprimé son désir d’accéder à un port dans l’est du pays: c’est «l'option d'exportation qui était la plus séduisante de la proposition de TransCanada, […] pour expédier du volume vers le Golfe des É.U., en Asie ou en Europe, à partir de Saint-John» a-t-il affirmé.

Peut-on avoir confiance en TransCanada? Keystone I, le premier oléoduc de TransCanada, avait été annoncé comme étant de fine pointe et excédant les standards internationaux pour l’environnement et la sécurité. La compagnie prévoyait qu’il ne fuirait pas plus qu’une fois aux 7 ans, mais il a fui 12 fois en 12 mois. C’était lui aussi un vieil oléoduc de gaz naturel converti au pétrole.

TransCanada ne fait pas bonne figure. Les opérateurs souhaitent éviter les fuites, mais trop souvent ils sont obligés de choisir entre des mesures de sécurité coûteuses et la réduction des dépenses. Des enquêtes et des dénonciateurs dressent le portrait d’une compagnie qui compromet la sécurité des oléoducs. Un ingénieur a été renvoyé après avoir dénoncé le fait que TransCanada ne répondait pas aux propres normes de sécurité de l’entreprise, mises à part celles du gouvernement.

Un oléoduc de cette taille soulève de sérieux enjeux : les impacts environnementaux grandissants liés à l’expansion des sables bitumineux grâce à ce nouvel oléoduc, les risques associés au transport et les impacts des éventuels déversements. Est-ce vraiment l’avenir que nous voulons?

Quelle différence avec le bitume dilué? Le bitume des sables bitumineux n’est pas du pétrole conventionnel. Il est plus épais, plus toxique et plus dommageable pour l’environnement. Il est dilué avec des produits chimiques, des solvants cancérigènes, afin d’être pompé dans un oléoduc. Avant que l’industrie des sables bitumineux ne soit surtout de possession étrangère, des installations de raffinage étaient prévues en Alberta. Considérées trop coûteuses, elles ont été délaissées pour l’option la moins chère : transporter le bitume dilué. Le profit à tout prix met nos communautés en danger.

Les déversements de bitume dilué sont beaucoup plus dangereux… Une fois déversés dans un cours d’eau, les solvants s’évaporent et laissent couler au fond une substance épaisse et visqueuse. Le déversement dans la rivière Kalamazoo au Michigan en 2010 a mis en évidence l’incapacité de l’industrie à gérer les particularités d’un déversement de bitume dilué. Trois ans après le déversement de 3.8 millions de litres, 1G$ a été dépensé pour le nettoyage, mais environ 50 km de rivière sont toujours contaminés et 700 000 litres n’ont encore pu être récupérés. À ce jour, ni l’industrie ni les régulateurs n’ont encore développé un moyen efficace de contenir les déversements de sables bitumineux dans les cours d’eau.

Au départ, Énergie Est a été proposé pour acheminer du bitume léger car la majorité des raffineries de l’Est ne peuvent traiter le bitume dilué. Si le port de Saint-John est construit, ce serait surtout du bitume dilué que nous verrons transiter dans cet oléoduc.

Prioriser les oléoducs au lieu du train? Existe-t-il vraiment une méthode sécuritaire de transporter du pétrole? C’est une question délicate, définir ce qui est ‘sécuritaire’. Les trains ont une moyenne plus élevée de déversements, mais le volume renversé lors d’un seul incident est moins significatif avec le train qu’avec un oléoduc. Il n’y en a aucun qui est plus sécuritaire, les deux peuvent être responsables de déversements. Il n’y a pas un moyen de transport du pétrole sans failles et nous devons bien saisir les risques qui s’y rattachent.

Alors que le choc de Lac-Mégantic est encore récent, faisons aussi justice à plus de 500 personnes décédées par des déversements d’oléoducs depuis 30 ans aux États-Unis. Les sables bitumineux sont aussi responsables de la détérioration de la qualité de vie et de la santé des premières nations qui vivent aux abords de cette industrie. Ce ne sont pas que des statistiques, mais un rappel du coût et des risques réels du transport du pétrole.

Quels bénéfices pour l’économie? Qui bénéficierait du projet? La réponse : certainement pas nous, pas la population, ni notre économie ou notre environnement, mais vraiment que l’industrie pétrolière. Énergie Est ne la rendrait que plus riche et puissante. Ces compagnies veulent principalement exporter pour accéder à un prix du baril de pétrole qui est plus élevé sur le marché international.

De plus, la volatilité des prix du pétrole aurait un impact sur l’économie du pays qui serait plus souvent à risque d’être déstabilisé. La réduction de l’offre en gaz naturel suite à la conversion pourrait en faire augmenter le prix au Québec. Puis, avec les récents projets de loi omnibus, nous avons observé les effets néfastes des puissants lobbys pétroliers sur notre démocratie.

Pour les emplois, très peu seraient créés pour la portion du vieil oléoduc. Même si des emplois étaient créés pour le nouvel oléoduc, la plupart ne sont nécessaires qu’à la construction, peu resteraient à long terme. Plus d’emplois seraient créés avec les énergies durables. Au pays, deux emplois en moyenne sont créés pour un million de dollars investis dans les énergies fossiles. C’est 15 emplois pour le même montant investi dans les énergies propres.

Nous avons tellement d’autres options Le Québec est choyé de ressources naturelles (hydriques, éoliennes, solaires, etc.) qui offrent des options plus intéressantes que les oléoducs. Peu d’impacts sont associés à l’énergie solaire ou éolienne. La majorité de notre électricité provient de l’hydroélectricité et seuls les transports nécessitent du pétrole. C’est l’opportunité de transiter vers une société décarbonisée. La solution pour remédier aux risques liés aux oléoducs est de réduire la consommation de pétrole. Les impacts des changements climatiques ne font que commencer à se faire sentir. Il est impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

En tant que citoyen.ne.s directement touché.e.s par les projets d’oléoducs, nous sommes très préoccupés. De nombreuses communautés de la Colombie-Britannique se sont opposées à l’oléoduc Northern Gateway. Ils ont voulu protéger leur eau potable, leurs terres agricoles et la santé de leurs communautés. C’est à nous de choisir ce que nous voulons pour l’avenir de nos communautés et ce que nous voulons laisser derrière pour les générations à venir.

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