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En matière d'étiquetage des poissons, la prudence est de mise.

Par Fabienne Lord, Ph.D et membre du cercle scientifique David Suzuki Le 5 octobre dernier, le Journal de Montréal publiait les résultats d'une enquête sur l'étiquetage frauduleux des poissons vendus en restaurants et en poissonneries. L'enquête, faite en collaboration avec le laboratoire de génétique de l'Université Laval, révélait que 79 des 167 échantillons de poissons récoltés par le Journal dans des commerces de la province ne correspondaient pas à l'espèce affichée au menu ou sur l'étiquette. En d'autres termes, ces résultats suggèrent que près de 47 % des consommateurs achètent en réalité un poisson, souvent de moindre qualité et à un prix plus élevé, autre que celui désiré, et ce sans le savoir. Par exemple, une poissonnerie a fait passer du saumon d'élevage pour du saumon sauvage, ou encore un restaurant a vendu du thon albacore (40$ le kilo) en l'étiquetant comme étant un thon rouge « bluefin » (70$ le kilo). Le plus troublant c'est que les restaurants et poissonneries ne sont pas toujours les coupables. Ce sont parfois les fournisseurs. Alors, comment les consommateurs désireux de faire des choix éclairés en se référant à une liste de pêche durable comme celle de SeaChoice peuvent-ils s'y retrouver?

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Au Canada, les fournisseurs et les détaillants ne sont pas obligés de divulguer la région géographique où le poisson a été pêché ni s'il est un produit d'élevage. Ils n'ont qu'à fournir le nom commun de l'espèce pêchée. Cela laisse bien peu d'information si l'on veut faire un choix éclairé basé sur la gestion du stock et sur la provenance de la prise. Un poisson peut être difficilement identifiable à l'œil. Selon le professeur Louis Bernatchez, directeur du laboratoire de la Chaire de recherche du Canada en géonomique et conservation des ressources aquatiques de l'Université Laval, nous aurions intérêt à avoir un système d'évaluation systématique des produits par l'ADN. Cette procédure d'identification est maintenant bien répandue aux États-Unis. Des laboratoires privés offrent leurs services au public et aux entreprises afin de reconnaître ce qu'il y a dans notre assiette. L'agence américaine des pêcheries (NOAA fisheries) offre également un programme d'identification volontaire. Les inspecteurs vérifient l'exactitude des étiquettes, y compris le pays d'origine, le poids net, et l'identification des espèces. Ils évaluent environ un cinquième des produits consommés aux États-Unis chaque année, et de tous les échantillons qui leur sont soumis volontairement, 40 pour cent présentent des inexactitudes d'étiquetage. Les pénalités peuvent être sévères. En 2011, un marchand de fruits de mer du Massachusetts a dû suspendre ses opérations pendant trois mois, a eu un an de probation et une amende de 5 000 $ pour avoir faussement étiqueté des filets de goberge congelés en provenance de Chine comme étant des filets de morue du Canada.

Ce phénomène de fraude alimentaire n'est pas limité au Québec ni aux États-Unis. C'est un problème à l'échelle mondiale qui a été abordé par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO). L'organisme promeut l'utilisation des techniques médico-légales disponibles dans le contrôle des pêches. Si l'analyse de l'ADN révèle l'espèce du poisson, des tests chimiques sur les ouïes peuvent indiquer les aliments absorbés et permettre de localiser la région précise où il a été capturé. Quand nous constatons à l'échelle globale que près de 75 % des stocks de pêche de poissons marins sont pleinement exploités ou surexploités, on se demande pourquoi on ne divulgue pas obligatoirement la provenance sur l'étiquetage et pourquoi il y a pas plus d'inspections. Le problème va bien au-delà des questions éthiques et économiques telles que de vendre des espèces en surpêche comme étant des choix durables, ou encore vendre un poisson de moindre qualité à fort prix. Il s'agit aussi d'un problème de santé publique puisque certains poissons présentent de hauts taux de contaminants, comme le maquereau bonite (souvent étiqueté comme mérou ou sole) qui ne devrait pas être consommé par des femmes enceintes ou des enfants. Autre exemple, l'escolier (étiqueté comme thon) possède des propriétés laxatives et ne devrait être consommé qu'en petites quantités.

Mais que penser de la situation au Québec?

Au dire du professeur Bernatchez, il n'y a pas beaucoup d'amélioration depuis les tests effectués trois ans plus tôt pour l'émission l'Épicerie de Radio-Canada qui avait fait une enquête similaire à celle du Journal de Montréal. À la lumière de cette information, comment va-t-on sensibiliser le consommateur au problème de la surpêche si on ne peut pas se fier à l'exactitude de l'information fournie avec les produits qu'on consomme?

Le Ministère québécois de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et l'Agence canadienne d'inspection des aliments devront éventuellement se pencher sérieusement sur la question. Ils devront inévitablement mettre sur pied un système efficace d'identification des poissons s'ils veulent contrer la surpêche et les fraudes commerciales.

Finalement, voici, selon Seafood ID, ce que vous achetez et ce que vous obtenez quand vient le temps de choisir un poisson sur l'étale.

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