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Nous croyons fermement que la science participative offre un formidable potentiel pour affronter les défis sociaux et scientifiques d’aujourd’hui. Pour les citoyens, la science participative accroît la littératie scientifique; pour les scientifiques, s’engager avec la communauté fournit une occasion irremplaçable d’apprentissage et d’innovation. - See more at: http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/2017/04/science-participative#sthash.lbzgpJjU.dpuf


Cet article est tiré du Dossier Culture scientifique, produit par Découvrir #MagAcfas. Les 12 textes en provenance de 10 pays ont été rassemblés par deux spécialistes du domaine, Joëlle Le Marec (Paris-Sorbonne) et Bernard Schiele (UQAM). Ce tour d’horizon accompagne les Journées internationales de la culture scientifique – Science & You, tenues à Montréal, les 4, 5 et 6 mai 2017. 


"La science participative est une merveilleuse occasion de rechercher ensemble des réponses aux nombreuses questions et aux défis de notre temps."

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- Commentaire anonyme, consultation en ligne Greenpaper Citizen Science Strategy for Germany 2020

Reconnaitre la participation

La science participative est une pratique en pleine expansion qui fait appel à des modèles alternatifs de coproduction de savoirs scientifiques. Elle stimule l’innovation, traverse tous les domaines de la connaissance, introduit de nouvelles perspectives et suscite des partenariats inédits. En Allemagne, on parle même d’une nouvelle aube.

Nous entendons par science participative l’engagement de personnes qui ne sont pas liées aux institutions scientifiques. Les pratiques vont de la collecte de données à court terme à d’intenses plongées dans des travaux de recherche en collaboration avec des scientifiques ou d’autres volontaires, des pratiques où tous les temps de loisir sont investis (Bonn et al., 2016).

Il existe une longue tradition de participation de volontaires, par exemple, autour des recherches sur les écosystèmes : ces personnes partagent expertises et connaissances au sein de sociétés savantes ou d’associations, et ce, à l’échelle locale, régionale et même nationale. Ce qui est nouveau, c’est l’avènement de technologies abordables – appareils mobiles ou capteurs intelligents – qui permettent de cartographier, d’enregistrer, d’analyser et de communiquer des données scientifiques. Ces contributions fortifient la science non seulement par des collectes accrues de données, mais aussi par un apport de connaissances et de compétences complémentaires.

La science participative est largement discutée au sein de la communauté scientifique, et elle est de plus en plus perçue comme légitime. Sur le terrain, des milliers de projets scientifiques réunissent des millions de citoyens qui investissent temps et énergie dans une recherche soutenue par les nouvelles technologies (Bonney et al., 2014). En fait, les conditions de développement de la science participative en Allemagne sont favorables1; les citoyens déclarent même vouloir être inclus dans l’élaboration des politiques et dans la prise de décision (Wissenschaftsbarometer 2016).

Toutefois, les volontaires en Allemagne souhaitent être reconnus et valorisés davantage pour le travail accompli. Souvent, les activités sont dispersées, et peu visibles au sein de la communauté scientifique ou de la société civile. De même, les scientifiques ainsi engagés auprès des acteurs sociaux se sentent peu reconnus, et leurs activités peuvent même être considérées comme contreproductives pour leur carrière. La légitimité « scientifique » est donc encore remise en question.

Aux États-Unis, en Europe et en Australie, on observe une institutionnalisation de la science participative à travers la mise en place d’organisations de volontaires (Göbel et al., 2016). L’un des premiers objectifs est de mettre en valeur et de rassembler en réseau les projets et les structures, puis d’évaluer les conditions requises pour développer la science participative.

Livre vert pour une stratégie allemande

En Allemagne, l’initiative Citizens Create Knowledge (GEWISS)2, à laquelle nous avons collaboré, a été mise en œuvre de 2014 à 2016 pour évaluer les potentiels et les défis de la science participative. Au cœur de l’approche se trouvait le déploiement d’une série d’ateliers de discussion entre différentes institutions et personnes afin de développer de nouveaux partenariats et d’élaborer des stratégies communes menant à un programme allemand de science participative. Nous avons invité des chercheurs de tous les domaines, des citoyens, des organisations de la société civile et des institutions scientifiques à venir partager leurs idées et leurs expériences. En accompagnement, nous avons produit un documentaire et un guide exposant, entre autres, les bénéfices de la science participative pour la science, la société et la politique. L’initiative s’est conclue par le lancement du recueil de documents Greenpaper Citizen Science Strategy 2020. Ce livre vert présente les exigences et les besoins à satisfaire pour assurer une implantation réussie de la science participative en Allemagne, et trois domaines d’action y sont identifiés : science, société et politique.

Nous avons, à la première étape, collecté des informations sur les opportunités et les défis de la science participative, et ce, à l’occasion de forums organisés dans toute l’Allemagne. Plus de 700 participants issus de 350 organisations – société civile, projets de science participative, instituts de recherche et organismes de financement – ont assisté à plus de 20 événements à l’échelle nationale. À la deuxième étape, un document a été élaboré à partir des rapports issus des événements et de discussions entre le conseil consultatif et le consortium GEWISS. Dans un troisième temps, nous avons lancé un processus de consultation en ligne autour du document, et 400 commentaires sont venus enrichir la démarche. De plus, nous avons reçu 53 mémoires d’organismes de recherche, d’universités, d’équipes de projets de science participative, de médias et de sociétés savantes. À la dernière étape, toutes les interventions ont été évaluées et synthétisées en vue de la mise au point de la stratégie finale. Après un an de travaux, finalement, nous avons présenté le livre vert au gouvernement allemand.

La  stratégie contient trois grands champs d’intervention jugés essentiels au développement de la science participative en Allemagne : son établissement; son renforcement; son intégration en science, en société et en politique (Bonn et al., 2016). Les pistes d’action identifiées devront maintenant faire l’objet d’une planification. Nous nous attendons à ce que les organisations de la société civile, les citoyens, les scientifiques, les gouvernements ainsi que les fondations privées et les politiciens collaborent de plus en plus à sa promotion et à son application. Par ailleurs, sur la base de nos recommandations, à l’été 2016, le gouvernement s’est engagé à financer des projets de science participative visant à consolider les ponts entre science et société.

Une première conférence internationale

Organisée par Citizens Create Knowledge (GEWISS), la première conférence internationale3 de la European Citizen Science Association (ECSA) a eu lieu à Berlin les 19 et 21 mai 2016, à la Kulturbrauerei (www.ecsa2016.eu ). On y a discuté du potentiel d’innovation de la science participative dans une perspective de science, de société et de politique « ouverte ». Quelque 368 participants de 30 pays ont assisté aux trois jours de rencontre, et le public berlinois était invité à la fête des sciences participatives et au ThinkCamp. Les sessions de programme et les formats interactifs ont résulté en 107 communications, 99 affiches, quatre forums de discussion, une soirée disco enlevée, une fête des sciences participatives, deux sorties sur le terrain et 546 tweets…

Notre vision

Une vision commune de la science participative en Allemagne émerge de la stratégie. Elle englobe trois grands chantiers :

  1. Le renforcement des structures existantes et des conditions de participation des citoyens aux processus scientifiques;
  2. La mise en place de nouvelles infrastructures;
  3. Pour libérer tout son potentiel, l’intégration de la science participative dans les structures et pratiques existantes au sein de toutes les sphères d’activités : société, science, technologie, médias, éducation et politique.

Pour qu’une participation aux activités scientifiques soit réussie et jugée satisfaisante, une reconnaissance du travail accompli s’avère essentielle, pour les citoyens comme pour les chercheurs. Même scénario pour les organisateurs d’activités et les coordonnateurs – pourtant incontournables, et souvent oubliés. Il convient donc de mettre en place des mesures de reconnaissance de tous les contributeurs.

Un autre défi concerne la gestion de la qualité et de la protection des données cumulées, tout comme la prise en compte des questions juridiques. Pour leur part, les avancées techniques en matière de gestion des données, telle l’approche « science ouverte », facilitent le codesign et la coproduction dans l’exercice de la science participative.

Finalement, il ne faut pas négliger les ressources financières et humaines nécessaires pour appuyer, à long terme, une communauté scientifique en croissance, y compris les besoins de communication de ses travaux auprès des pairs et des publics externes.

Nous croyons fermement que la science participative offre un formidable potentiel pour affronter les défis sociaux et scientifiques d’aujourd’hui. Pour les citoyens, la science participative accroît la littératie scientifique; pour les scientifiques, s’engager avec la communauté fournit une occasion irremplaçable d’apprentissage et d’innovation.

- Susanne Hecker, Anett Richter et Aletta Bonn, Centre Helmholtz de recherche environnementale, Allemagne 

Susanne Hecker

La science participative et la communication scientifique sont les principaux domaines d’expertise de Susanne Hecker. Dans ses recherches, elle met l’accent sur l’interface science-politique-société de la science participative. En tant que membre fondatrice de la European Citizen Science Association, elle est également membre de l’association américaine CSA ainsi que de l’Australian Citizen Science Association. En 2016, elle a organisé la première Conférence internationale ECSA dans la capitale allemande, Berlin, et l’événement a attiré plus de 380 participants de 30 pays. Elle est co-auteure de la Greenpaper Citizen Science Strategy 2020 for Germany. Susanne Hecker a étudié les sciences humaines à la Freie Universität Berlin et à la Sorbonne Nouvelle Paris. Après avoir travaillé dans le domaine des médias, de la communication et du conseil, elle est revenue à la science il y a plusieurs années.

Anett Richter

Parmi les expertises d’Anett Richter, on compte la conservation de la nature et la biodiversité, et un fort intérêt pour la science participative. Sur ce dernier plan, elle étudie le rôle de la participation dans le développement des instruments de politique et des réseaux sociaux. Elle est titulaire d’un doctorat en sciences appliquées de l’Université de Canberra (Australie) et d’une maîtrise en conservation de la nature et aménagement paysager. Récemment, elle a dirigé l’élaboration de la Greenpaper Citizen Science Strategy 2020 for Germany, en collaboration avec des partenaires de la science, de la société et de la politique. En outre, elle a corédigé des rapports et des guides, et réalisé un clip et un film sur la science participative. 

Aletta Bonn

L'auteure est responsable des services écosystémiques et, comme le concept de services écosystémiques relie la biodiversité et le bien-être humain, elle travaille tout naturellement à l’interface de la science et de la société. Elle est cofondatrice et membre du conseil d’administration de la European Citizen Science Association et, comme responsable de l’initiative Citizens Create Knowledge (GEWISS), elle a dirigé avec son équipe le développement de la Greenpaper Citizen Science Strategy 2020 for Germany, en collaboration avec de nombreux partenaires de la science, de la société et de la politique.

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