Dire Droit d’asile comment prouver son homosexualité Ahmed Hamila.jpg (103.34 Ko)

Chantre des droits LGBTQ, le Canada est souvent présenté comme un modèle à suivre pour ce qui est de la protection des demandeurs d’asile persécutés dans leur pays d’origine en raison de leur orientation sexuelle. Toutefois, nombreux sont ceux qui critiquent la manière dont les auditions avec ces demandeurs sont menées et jugent les questions posées par les commissaires inadéquates. Pour remédier à cette situation, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CSIR) vient de développer des lignes directrices sur la manière d’établir la crédibilité de ces demandeurs d’asile.

L’homosexualité est pénalisée dans 72 pays. Dans une dizaine d’entre eux, les personnes LGBTQ encourent la peine de mort en cas de relation sexuelle avec une personne de même sexe. Plusieurs fuient leur pays d’origine pour demander la protection internationale dans des pays plus respectueux des droits de la personne. Toutefois, selon l’Organization for Refuge, Asylum & Migration, une infime minorité de demandeurs d’asile persécutés du fait de leur orientation sexuelle obtiennent le statut de réfugié, souvent parce que les commissaires estiment que l’homosexualité du demandeur n’est pas crédible.

Comment établir l’orientation sexuelle d’un demandeur d’asile ? Chaque pays a ses méthodes. Jusqu’à récemment, la République tchèque et la Slovaquie utilisaient des « tests de phallométrie » qui consistaient à mesurer la réaction physique du demandeur à des images pornographiques. En Allemagne et en Pologne, les autorités compétentes recommandent au demandeur de fournir des « attestations d’homosexualité » de psychologues, de psychiatres ou de sexologues. En Belgique et en France, en plus du témoignage du demandeur, les déclarations de témoins ou des « attestations » d’organisations LGBTQ sont parfois soumises afin de résoudre les problèmes de crédibilité. Enfin, dans la plupart des pays, incluant le Canada [i], des questions stéréotypées, qui contiennent un préjugé culturel et sexuellement explicites sont souvent posées au demandeur pour établir sa crédibilité [ii] : « Avez-vous pratiqué des fellations, le coït ? », « Que pensez-vous de l’homosexualité ? S’agit-il d’une relation normale ou d’un problème psychologique ? », « Où allez-vous pour assouvir vos désirs homosexuels ? »

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Pour répondre aux critiques des associations et pour assurer un meilleur traitement des dossiers LGBTQ, l’autorité canadienne chargée de l’asile, la CISR, a publié le 1er mai 2017 des lignes directrices sur la manière de mener les auditions avec les demandeurs persécutés en raison de leur orientation sexuelle. Ces lignes directrices s’organisent autour de trois points principaux : utiliser un langage approprié (qui tient compte du genre auquel le demandeur s’identifie et exempt de connotations négatives), comprendre les difficultés auxquelles se heurte le demandeur pour établir son orientation sexuelle (tenir compte de ses culture, religion, classe sociale, éducation et antécédents familiaux) et éviter les stéréotypes au moment d’établir les faits (comme penser que les minorités sexuelles ont une apparence ou des manières féminisées ou masculinisées). Avec la publication de ces lignes directrices, le Canada est davantage en mesure de respecter ses engagements internationaux en se mettant au diapason des pratiques du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies, qui, en 2012, avait publié des lignes directrices sur le traitement des demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle.

 

— Ahmed Hamila, étudiant au doctorat en Science politique à l’Université de Montréal

 

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