Pendant près de deux décennies, la planète s’est lancée dans une campagne massive de vaccination pour éliminer la poliomyélite. Arrivée en bout de course au tournant des années 2000, cette lutte n’avait plus qu’une petite poignée de pays à vaincre. Et depuis, ça stagne.

Est-il temps d’abandonner ? C’est la question que posent trois experts dans une analyse publiée le 12 mai dans la revue américaine Science.

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Ce n’est pas la première fois depuis 2000 que cette question pessimiste revient sur le tapis. Mais cette fois, le pessimisme ne vient pas de n’importe qui : l’un des signataires, le Japonais Isao Arita, a été, dans les années 1960 et 1970, un fervent défenseur de la campagne de vaccination contre la variole –la seule maladie infectieuse de l’Histoire à avoir été complètement éradiqué. Dans les années 1990, il a dirigé la campagne qui a éliminé la polio du Pacifique-Ouest.

S’il ne croit plus qu’il soit possible de l’éliminer complètement de la planète, c’est en partie à cause du Nigeria. Là-bas, la polio y a resurgi en 2003, et l’opposition d’un an de certains dirigeants musulmans à la vaccination a donné le temps au virus de réinfecter 18 régions (voir ce texte). Parmi ces régions, on en compte certaines au Soudan et en Somalie qui, déchirés par des guerres civiles, ne sont certainement pas des lieux propices à entreprendre une campagne de vaccination.

Des " poches " de polio subsistent également dans les bidonvilles de l’Inde, ainsi qu’au Bangladesh et au Pakistan.

Or, plus le temps passe et plus les probabilités augmentent pour que, dans un de ces lieux, une version mutante de la polio ne surgisse –si ce n’est pas déjà fait– contre laquelle les vaccins actuels ne seraient d’aucun secours. De sorte que 18 ans de travail seraient à recommencer.

Nous pouvons contrôler la polio, mais nous ne pouvons pas espérer l’éradiquer, concluent en conséquence Isao Arita et ses deux collègues australiens dans Science.

S’ils ne sont pas les premiers à exprimer cette opinion, c’est aussi parce que la " date limite " fixée pour l’éradication de la polio est repoussée d’année en année : à l’origine, l’Organisation mondiale de la santé avait fixé pour objectif l’année 2000. Aujourd’hui, on mentionne 2006. " C’est toujours 12 à 18 mois dans le futur ", ironise Donald A. Henderson, ancien directeur du programme d’éradication de la variole et un des critiques, dès le début, du programme d’éradication de la polio.

Le nombre total de cas recensés à travers le monde en 2005 (un peu plus d’un millier) a été le plus élevé depuis 1999. Par contre, les programmes de surveillance sont plus efficaces, ce qui peut expliquer en partie la hausse du nombre de cas signalés.

Par ailleurs, si des cas de polio ont été signalés, depuis 2003, dans 22 pays, seulement 4 pays sont sur la liste de ceux où la maladie n’a jamais disparu –soit le chiffre le plus bas de l’Histoire. Ce qui fait dire aux dirigeants du programme d’éradication de la polio que l’objectif final est, quoi qu’en disent les sceptiques, toujours atteignable.

La polio ne se transmet que d’humain à humain, ce qui permet en effet d’envisager son élimination –il ne peut exister de source animale qui nous aurait échappé. Et comme c’était le cas avec la variole, l’efficacité du vaccin ne fait aucun doute (deux vaccins, en fait). Mais au contraire de la variole, qui laisse des traces visibles sur la peau, la polio ne laisse pas de traces visibles et seulement une personne sur 100 ou 200 en reste paralysée. Cela rend donc plus difficile de la suivre à la trace dans les régions les plus pauvres de la planète.

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