Notre ouvrière du miel vient d’accéder au club sélect des insectes dont le génome a été décodé. Et son génome pourrait lever le voile sur une particularité que n’avaient pas la mouche à fruits et le moustique: les secrets de la vie en société.

Il faut savoir que l’abeille compte parmi les animaux les plus évolués en matière de socialité. C’est bien simple, explique Charles Whitfield, un entomologiste et biologiste moléculaire à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, " tout ce qu’elle fait est social ". La diète d’une abeille, la nature de son travail ainsi que sa vie sexuelle (ou son absence) sont entièrement déterminés pas la dynamique de sa colonie.

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Or, chez elle comme chez les autres animaux, plusieurs de ces comportements pourraient être modulés par les gènes. On sait déjà par exemple que chez les rats, les soins maternels semblent stimuler l’expression de gènes qui rendent les ratons moins sensibles au stress.

Chez l’abeille, les chercheurs s’intéressent particulièrement à 65 régions du génome. Là, les brins d’ADN fournissent l’information nécessaire à la cellule pour qu’elle produise de courtes molécules appelées microARNs. Celles-ci servent d’interrupteurs aux gènes; elles leur ordonnent de se mettre en service ou de prendre une pause.

Ces molécules intéressent les chercheurs depuis qu’ils ont découvert qu’une butineuse ne présente pas les mêmes microARNs qu’une abeille qui s’occupe des oeufs et des larves.

Les microARNs expliqueraient aussi partiellement ce qui fait qu’une abeille n’est pas une mouche à fruits. " La configuration du cerveau de ces insectes est relativement similaire mais leur comportement et leur organisation sociale sont radicalement différents ", rappelle George Weinstock, biologiste généticien à Baylor College of Medicine à Houston (Texas), et chercheur principal du programme de décodage du génome de l’abeille, que la revue Nature a publié le 26 octobre, en plus de lui consacrer un éditorial et une analyse.

Outre la possibilité de mettre la main sur des gènes liés à l’organisation sociale, le génome nouvellement décodé a mis en lumière d’autres différences entre les insectes "solitaires" et l’abeille. On constate ainsi que l’abeille possède davantage de gènes liés :

  • à la production de la gelée royale
  • aux récepteurs olfactifs, essentiels à la communication par phéromones qui caractérise les colonies d’abeilles

et moins de gènes liés :

  • à la constitution d’une cuticule, sorte de carapace de l’insecte, possiblement parce que l’abri de la ruche lui fait courir moins de dangers qu’un insecte solitaire
  • aux récepteurs de goût, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’une abeille se nourrit généralement aux mêmes endroits que ses congénères, diminuant ainsi les risques d’empoisonnement
  • à l’immunité, ce qui est plus difficile à expliquer, puisque la vie en communautés denses est favorable à la transmission des maladies.

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