Si on s’éloigne de Kyoto, ce n’est pas seulement à cause du refus des États-Unis d’adhérer ou des louvoiements du Canada. C’est parce que les gaz à effet de serre augmentent désormais quatre fois plus vite que dans les années 1990.

Tous les experts s’entendaient pour dire que lorsqu’on prendrait en compte les chiffres de la Chine et de l’Inde, ça ferait mal. Eh bien voilà qui est fait, dans le cadre du congrès mondial sur les sciences de la Terre qui se tenait ces derniers jours en Chine, à Beijing. La croissance des émissions de gaz à effet de serre serait à présent de 3,2% par année, contre une moyenne annuelle de 0,8% pendant la décennie précédente.

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Cette rencontre n’a rien à voir avec celle de Nairobi, qui monopolise l’attention des médias depuis quelques jours: ce qui a lieu à Nairobi, c'est le Sommet annuel des Nations Unies sur les changements climatiques (celui-là même qui avait lieu à Montréal l’an dernier - voir ce dossier). La réunion de Beijing, elle, avait lieu sous l’égide d’un consortium international de 200 chercheurs appelé le Global Carbon Project. C’est dans ce cadre qu’a été déposée cette étude sur la croissance accélérée des gaz à effet de serre.

“Ce qui est d’abord étonnant, c’est la vitesse de croissance dans des endroits comme la Chine”, a résumé l’expert australien Michael Raupach, qui a présenté ces nouveaux chiffres.

Est-il besoin de rappeler qu’en vertu du Protocole de Kyoto, les pays signataires —qui n’incluent toutefois pas les pays en voie de développement, de même que la Chine et les États-Unis— devraient avoir réduit, et non augmenté, leurs émissions de gaz à effet de serre?

Et l’augmentation n’est pas près de s’arrêter, ni même de ralentir: selon les chiffres officiels chinois, la Chine émet actuellement 16% des gaz à effet de serre de la planète —en deuxième place, derrière les États-Unis— mais représente à elle seule 40% de la croissance. La semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie a de plus publié un rapport prédisant que la Chine aura dépassé les États-Unis en 2030.

Enfin, derrière la Chine suit l’Inde. Derrière l’Inde suit le Brésil. Et bien d’autres, pressés de copier le mode de vie des pays du Nord.

Cette croissance accélérée ne devrait pas être une surprise: au contraire, elle confirme un des scénarios évoqués il y a cinq ans dans le dernier rapport du groupe international dit “du consensus” (le comité intergouvernemental des Nations Unies). Ce scénario prévoyait que 50% de l’énergie consommée au cours du prochain siècle proviendrait de carburants fossiles: autrement dit, ces scientifiques qui représentent le consensus de la grande majorité de la communauté des experts, prévoyaient une croissance dramatique en provenance de la Chine, des États-Unis et des autres, avec des conséquences tout aussi dramatiques sur le climat.

À défaut de faire entendre raison aux Américains ou de limiter la croissance chinoise, pourrait-on atténuer le problème en aidant les pays en voie de développement à s’adapter aux conséquences des changements climatiques qui vont les frapper de plein fouet? C’est l’hypothèse qui a été présentée il y a quelques jours à Nairobi, mais elle a été rapidement rejetée.

En gros, les pays riches (pilotés par le Japon, la Suisse et la Norvège) proposaient qu’un fonds destiné à aider les pays les plus pauvres soit géré par la Banque mondiale, tandis que les pays visés (dont le Bangladesh et les Philippines) préféraient gérer eux-mêmes ces fonds, ce qui a mis un frein aux discussions.

Parallèlement, comme l’ont rapporté les médias cette semaine, les discussions sur ce qui constitue la raison d’être de ce Sommet de Nairobi —l’établissement de nouvelles cibles de réductions des gaz à effet de serre— n’ont pas beaucoup progressé elles non plus. “Notre sentiment, résume sur les ondes de la BBC un des lobbyistes des groupes écologistes, c’est que s’ils ne s’entendent ici (à Nairobi) sur le moment de démarrer les discussions sur les cibles d’après 2012, il pourrait ne pas y avoir de cibles d’après-2012” (2012 est la date où prend fin le Protocole de Kyoto).

Ce qui se passe à Nairobi apporte donc autant de raisons supplémentaires de croire que l’augmentation des gaz à effet de serre est encore sur la courbe ascendante pour un bon moment.

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