Un des arguments favoris des enviro-sceptiques est « l’incertitude » : la climatologie serait une science à ce point incertaine qu’elle aurait prédit, il n’y a pas si longtemps, une ère glaciaire imminente. Par conséquent, comment lui faire confiance quand elle prédit un réchauffement? Or, ces sceptiques viennent de recevoir simultanément deux coups de marteau sur la tête.

Premier coup de marteau : seule une infime poignée de scientifiques avait affirmé dans les années 1970 que la Terre était sur le point de se refroidir. C’est ce que concluent des climatologues américains au terme d’une revue de la presse scientifique de 1965 à 1979. Ils confirment ainsi, par la statistique, ce que d’autres de leurs collègues tentaient d’expliquer depuis des années : la « peur » d’une ère glaciaire avait été largement propagée par des titres alarmistes dans les médias, disproportionnés par rapport à l’importance des données.

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Pendant ces 14 années, l’équipe, qui publie dans le Bulletin of the American Meteorological Society , n’a pu trouver que sept articles prédisant que les températures moyennes allaient diminuer au cours des décennies suivantes —bien que ces températures moyennes aient pourtant connu une légère baisse entre 1945 et 1965, ce qui aurait rendu plausible un tel scénario. À l'inverse, pendant ces mêmes 14 années, 44 études prédisaient un réchauffement et 20 autres étaient « neutres ». La quantité et la qualité des données disponibles à l’époque —sans parler des logiciels— était à des années-lumière de ce dont disposent aujourd’hui les climatologues.

Et ce n’est pas tout : même lorsqu’ils s’appuient sur les titres alarmistes des médias, les enviro-sceptiques ont la mémoire sélective, puisque même les médias « grand public » n’ont pas accordé une importance prépondérante au « refroidissement » par rapport au « réchauffement ».

Deuxième coup de marteau : dès 1979, un rapport gouvernemental faisait état de la menace que causeraient les gaz à effet de serre s’ils continuaient de s’accumuler au même rythme. James Gustave Speth, qui dirigeait à l’époque le Conseil de la qualité environnementale au sein de la Maison-Blanche, sous le président démocrate Jimmy Carter, a fait circuler le 24 octobre un document daté de juillet 1979 et intitulé « The Carbon Dioxide Problem : Implications for Policy in the Management of Energy and Other Resources ». Réalisé par une équipe du Laboratoire de biologie marine de Woods Hole, Massachusetts, le document était étonnamment prescient, en dépit de la maigreur des données alors disponibles.

James Gustave Speth, qui a depuis écrit sur l’écologie et l’économie, et occupe le poste de doyen de l’École des sciences de l’environnement et de la forêt à l’Université Yale, a fait circuler ce document en l’honneur du Dr Woodwell, dans le cadre d’un congrès organisé à l’occasion du 80e anniversaire de cet homme, fondateur du laboratoire de Woods Hole. L’un des co-auteurs, Charles D. Keeling, est lui aussi, depuis, devenu célèbre dans les cercles de la climatologie : il fut le premier à calculer la croissance des concentrations de CO2 dans l’atmosphère —une croissance appelée aujourd’hui la courbe Keeling.

Le rapport de juillet 1979 prédisait notamment, comme conséquence de l’accumulation de CO2 dans l'atmosphère, un « réchauffement qui pourrait devenir perceptible dans les 20 prochaines années » et en appelait à des mesures immédiates dans la gestion des carburants fossiles et de la reforestation, pour ralentir ce processus.

Le ministère de l’Énergie a réagi négativement, raconte James Gustave Speth dans sa préface, ce qui a conduit la Maison-Blanche à demander un deuxième avis à l’Académie nationale des sciences. Fin-1979, ce deuxième avis confirmait les sombres prévisions du premier : « si le taux de dioxyde de carbone continue d’augmenter, ce groupe ne voit aucune raison de douter que des changements climatiques en résulteront, et aucune raison de croire que ces changements seront négligeables. Les conclusions d’études antérieures ont ainsi été renforcées. Toutefois, le groupe pointe le fait que les océans (...) pourraient ralentir le cours des changements climatiques observables. Une politique attentiste pourrait signifier d’attendre jusqu’à ce qu’il soit trop tard. »

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