« Les civilisations n’existent qu’en vertu d’une entente avec la géologie, entente sujette à des modifications sans préavis. »

On aurait pu imaginer cette phrase sous la plume d’un romancier haïtien, mais elle est attribuée à un historien américain, Will Durant (1885-1981), il y a plus de 40 ans.

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Géologues et historiens se côtoient rarement : ils travaillent sur des échelles de temps radicalement différentes. Mais l’Histoire commence à avoir juste assez de recul —6000 petites années— pour avoir enregistré dans sa mémoire un certain nombre de moments où les plaques tectoniques sont entrées en collision avec une société qui se croyait invincible.

Au moins était-il possible de plaider l’ignorance. Pendant 99% de son histoire, jusqu’au 20e siècle, l’humanité avait l’excuse de s’installer sur une faille sismique parce qu’on ignorait ce qu’était une faille sismique. Un tremblement de terre était une punition des dieux, un mauvais karma ou une catastrophe imprévisible. Jamais il ne serait venu à l’idée de prétendre qu’il existait une telle chose que des plaques tectoniques se déplaçant à l’image des plaques de glace sur une mer agitée.

Mais à l’heure des sismographes et des satellites, les pays riches pourront-ils justifier pendant beaucoup d’autres siècles encore qu’une métropole de 3 millions d’habitants soit construite de bric et de broc à l’emplacement d’une faille qui a provoqué sept séismes majeurs depuis sa construction?

Depuis une semaine, les médias n’ont pas manqué de rapporter les recommandations d’ingénieurs et d’architectes : des barres d’acier dentelées, pour éviter qu’elles ne glissent à l’intérieur de leurs caissons de ciment; des colonnes renforcées; des fenêtres espacées. Mais les recommandations les plus difficiles à adopter pourraient être celles qui concernent le sol :

- libérer de tout édifice une bande de 30 à 40 mètres de large, des deux côtés de la faille; - interdire toute construction sur les collines, de manière à éviter que les édifices ne tombent comme des dominos; - et éviter de construire sur des sols propres aux glissements de terrain.

Plus facile à dire qu’à faire, surtout si les terrains les plus dangereux sont ceux qui attirent le plus de monde, parce qu’ils sont les moins coûteux...

Pascal Lapointe

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