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Que ce soit une voisine, le fils d’un ami ou un élève de la classe de nos enfants, nous connaissons tous un de ces « sprinteurs » aux réactions pleines de surprises. Ils dérangent les classes, parlent trop et explosent même soudainement de colère.

« Ces enfants auront des relations plus conflictuelles et moins chaleureuses avec leurs amis, leurs éducateurs et même leurs parents. Ils seront plus souvent punis et cultiveront une plus faible estime de soi », décrit la neuropsychologue Marie-Claude Guayde l’Université du Québec à Montréal lors du récent colloque « Impulsivité et psychopathologie » de l’Acfas.

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La chercheuse s’intéresse aux déficits cognitifs des jeunes présentant un trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ainsi que des comorbidités telles que les troubles d'apprentissage, les troubles anxieux et les troubles du comportement.

Les difficultés liées à l’impulsivité et à des troubles d’inhibition apparaissent tôt dans la vie des enfants et persisteront à l’âge adulte. Elles touchent également les filles, grandes négligées du TDAH. Pour elles, cela ne s’articule pas de la même façon : « Il y aura plus d’anxiété que d’opposition avec provocation comme chez les garçons, ça dérange moins », relève la chercheuse.

Des filles à risque

Josianne, âgée de 13 ans, est actuellement au secondaire 2. Cette petite fille souriante et dynamique au primaire, malgré quelques difficultés d’organisation, a poussé ses parents à consulter à l’adolescence, cependant le diagnostic a été plus complexe à établir.

« Elle ne rencontre pas les mêmes critères, mais présente les mêmes déficits », note Marie-Claude Guay, qui explique ce décalage par le fait que les questionnaires comportementaux sont construits à partir de recherches basées principalement sur les garçons.

La chercheuse note pourtant davantage d’impulsivité et de difficulté à réguler leurs émotions chez les filles que chez les garçons, ce qui pourrait leur apporter des soucis de taille à l’heure des médias sociaux. « Une fille avec TDAH a plus difficulté à réguler les relations par internet et cela exacerbe les problèmes », sanctionne-t-elle.

Comprendre le passage à l’acte

L’impulsivité occupe un chapitre du DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) – qui parle de troubles de comportements perturbateurs ou du contrôle des impulsions. Elle est associée à de nombreux troubles – TDAH, syndrome de Gilles de la Tourette, trouble bipolaire, schizophrénie, trouble de la personnalité – et à des comportements dysfonctionnels, tels la compulsion et les agressions sexuelles.

« C’est un phénomène multidimensionnel qui touche l’individu, le comportement et les causes » présente Jean Gagnon, professeur agrégé au département de psychologie de l’Université de Montréal. Le neuropsychologue cite une étude épidémiologique américaine réalisée auprès de 34 653 personnes, qui montre une prévalence de 17 % au sein de la population. « Il s’agit majoritairement d’hommes entre 18 et 29 ans, isolés,à faibles revenu et éducation, et dont 83 % présentent des histoires de trouble de santé mentale ».

Différentes manifestations relèvent de l’impulsivité, que certains attribuent aux traits de personnalité – conduite dangereuse, consommation de substances, boulimie, compulsion sexuelle, etc. Il y aurait des bases neurologiques, et donc des zones du cerveau dédiées pour gérer le mécanisme d’inhibition (cortex orbitofrontal notamment).

Chez les personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette – quatre hommes pour une femme – les tics moteurs et vocaux seraient intimement liés aux épisodes dépressifs. « À l’âge adulte, ils sont devenus des experts pour contrôler leurs tics, sans doute en raison d’une maturation du lobe frontal du cerveau. Les épisodes dépressifs sont plus liés à une augmentation des comportements impulsifs » soutient l’étudiant au doctorat en neuroscience de l’Université de Montréal, Simon Morand-Beaulieu.

L’enfance à la clé

L’enfance joue un rôle dans le mécanisme de contrôle de l’impulsivité chez les personnes bipolaires, comme le note Antoine Pennou, candidat au doctorat à la Clinique des troubles bipolaires de l'Institut Douglas : « L’histoire d’impulsivité est présente dès l’enfance avec des difficultés de régulation émotionnelle marquées ». De plus, chez les personnes qui ont un trouble de la personnalité limite, la présence d’un TDAH va aussi aggraver les choses. « On le remarque chez 50 % des patients » rapporte le Pr Gagnon.

L’impulsivité serait un facteur clé dans les comportements violents des personnes schizophrènes. La variation de neurotransmetteurs chimiques – un taux de cortisol (hormone de stress) bas et un taux élevé de testostérone (hormone sexuelle) –n’expliquerait que partiellement l’augmentation de comportements impulsifs violents.

« C’est lié aussi à une grande vulnérabilité à la violence et à vouloir contrôler en utilisant la violence. Plus d’un patient sur trois rapporte des mauvais traitements (violence, abus, etc.) pendant son enfance (entre 35 et 69 %), relève cependant la coordonnatrice de projets de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, Geneviève Martin.

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