La société des lions
(ASP) - Les lions du Tsavo, dans l'Est
de l'Afrique, ont acquis il y a un siècle une
réputation de mangeurs d'hommes. Mais voilà
qu'on s'aperçoit qu'ils ont également
une structure sociale unique en son genre pour des lions:
un mâle pour une moyenne de sept femelles. Alors
qu'en général, les lions sont plutôt
au nombre de deux ou trois pour de tels groupes.
Ces lions sont reconnaissables à
leur absence de crinières. Mais ils sont surtout
connus depuis que, en 1898, deux gros mâles ont
été reconnus "coupables" d'avoir dévoré
plus de 130 ouvriers du chemin de fer, dans le Sud-Est
du Kenya, pendant une période de neuf mois. Ces
deux faits, l'absence de crinière et cette forte
agressivité, suffisent à eux seuls à
démontrer que l'on en sait encore fort peu sur
le lion, puisque la crinière était traditionnellement
considérée, chez cet animal, comme un
attribut sexuel (comme la queue du paon)... et un outil
servant à décourager les intrus.
De fait, demandent les deux chercheurs
américains dans l'édition du 11 avril
de la Revue canadienne de zoologie, si la crinière
a cette utilité, comment se fait-il que certaines
espèces de lions, comme celui du Tsavo, n'aient
pas de crinières, et
ne semblent pas s'en porter plus mal? Et où
est passée cette crinière?
"Certains scientifiques, explique le Conseil
national de recherche du Canada qui publie la Revue,
croyaient que les lions mâles de Tsavo avaient
effectivement une crinière, mais que celle-ci
était graduellement arrachée lorsque les
mâles chassaient dans les buissons épineux
de leur territoire. Cette hypothèse fut réfutée
par des observations de lions mâles sans crinière
dans les prairies arides." A présent, une nouvelle
hypothèse veut que les lions du Tsavo possèdent
un taux plus élevé de testostérone:
chez nous, cela a pour effet de bloquer la croissance
des cheveux. Peut-être en est-il de même
chez le roi des animaux. Sans compter qu'un taux élevé
de testostérone a aussi pour effet d'accroître
l'agressivité
La nouvelle recherche ne permet pas de
répondre à cette question, et elle ne
fait qu'épaissir le mystère, en soulignant
cette structure sociale très particulière.
"En comparant lécologie des lions avec
et sans crinière ainsi que leurs interactions
sociales, nous devrions mieux comprendre la signification
évolutive de la crinière", espère
Roland Kays, conservateur au Musée d'Etat de
New York, à Albany. New York State Museum dAlbany.
Roland Kays et Bruce Patterson, les deux co-auteurs,
en collaboration avec Samuel Kasiki, du Service de la
faune du Kenya, doivent ce printemps poursuivre leur
travaux, en examinant "les attributs génétiques
et hormonaux des lions dépourvus de crinière".
La recherche est financée en partie par la National
Geographic Society, dont le magazine a publié
un dossier là-dessus dans
son édition d'avril.